J’ai rencontré Bruno Netter en 2003 alors que je sortais péniblement d’une demi-douzaine d’années de dépression consécutive à la sortie du déni de mon handicap visuel, et, il faut bien le dire, à mon illégal licenciement du Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ) par l’ensemble des syndicats de journalistes et du patronat. Je perdais et continue de perdre la vue, toujours mais lentement, du fait du rétrécissement de mon champ visuel.
Bruno Netter lui, l’avait perdue complétement à la suite d’une opération pour éliminer une tumeur au cerveau. « A l’époque des faits, en 1981, les coïncidences sont effectivement « pétrifiantes ». Bruno Netter est un jeune comédien en pleine ascension, le profil pur et les yeux clairs. Comme par hasard, il prépare un spectacle sur Œdipe – qui se crève les yeux après avoir tué son père. Et comme par hasard, il est assistant à la mise en scène de la pièce Les Mamelles de Tirésias – le devin aveugle de Thèbes.» a écrit Claire Guillot dans Le Monde. [1]
Je ne sais plus comment j’ai pris contact avec Bruno Netter, mais je me souviendrai toute ma vie de cette rencontre dans un bar d’Issy-les-Moulineaux. Cet homme dont la carrière d’acteur semblait brisée par la cécité, n’avait pas renoncé. Il avait créé la Compagnie du 3ème œil et jouait alors le Malade imaginaire de Molière au Théâtre de la Tempête, à la Cartoucherie dans le bois de Vincennes.
« Les médecins m’avait dit que l’opération était très risquée. Je pouvais ne pas me réveiller. Alors quand je suis revenu à moi après l’anesthésie, le chirurgien m’a dit qu’il avait une mauvaise nouvelle : j’étais aveugle. J’ai ri et lui ai dit que cela m’était égal puisque j’étais vivant ! »
Ce sont, à peu près ses mots à ce moment-là. En tout cas, ce sont ceux qui sont restés gravés dans mon cœur et qui m’ont aidé à sortir du marasme dans lequel la rétinite pigmentaire m’avait plongé.
Il y a des hommes lumineux comme lui, qui peuvent vous sauver la vie. Bruno Netter était l’un d’eux, et restera dans mon panthéon au côté de Jacques Lusseyran, ce jeune homme aveugle qui fut le chef de la jeunesse parisienne résistante au nazisme et l’ami de Philippe Viannay avec qui il participa à la diffusion de Défense de la France, le futur France-Soir. Philippe Vianney et lui furent également les artisans de la création du Centre de Formation des Journalistes (CFJ).
Je suis évidemment allé voir jouer Bruno Netter au Théâtre de la Tempête, et dans sa loge, j’ai pris quelques photos durant la séance de maquillage. Merci Bruno !
Michel Puech
[1] Claire Guillot in Bruno Netter à Angers – Le Monde du 23 février 2012Dernière révision le 9 octobre 2024 à 9:56 am GMT+0100 par
- France 5
Un documentaire trop amoureux du journalisme - 22 novembre 2024 - Panoramic
L’agence de sports a-t-elle perdu le match ? - 22 novembre 2024 - William Klein & François Missen
Kinshasa 1974, le combat du siècle
in Polka Magazine n°66 - 8 novembre 2024