A peine sortie des pénuries de la seconde guerre mondiale, en particulier lors de l’année noire de 1947, la France fait face à « la crise de Suez ». La nationalisation du canal de Suez par l’Égypte le 26 juillet 1956 conduit à l’expédition guerrière menée par le Royaume-Uni, la France et Israël au cours de laquelle David Seymour, alors Président de Magnum Photos, a été tué par un tir égyptien.
La France est privée de 90% de ses ressources pétrolières
En 1956 et jusqu’en juillet 1957, les agences de presse, comme les journaux, doivent demander des bons d’essence à l’Etat pour pouvoir partir en reportage et assurer la couverture de l’actualité. Un des multiples tracas de la vie des agences. Un souci toutefois plus simple à résoudre que les taux des différentes taxes qui peuvent frapper les importations et les exportations de matériel photographique qui entravent le travail. Rappelons qu’à cette époque, les films et les tirages N&B voyagent par train pour l’Europe et par avion pour les Etats-Unis.
Outre les habituelles difficultés rencontrées par les patrons d’agences pour se faire payer, et la pénurie de films et de produits de laboratoire, l’agence Rapho, comme les autres agences, doit faire face à la pénurie d’essence. Le 22 novembre 1956, Raymond Grosset envoie à la Préfecture de la Seine une « déclaration des véhicules moteurs fixes et engins » pour obtenir 690 litres d’essence pour la « Simca 9CV de l’agence, la Simca Aronde de Robert Doisneau, la Renault 4CV de Sabine Weiss, la Peugeot 403 de Pierre Belzeaux, la Simca 9CV de Jacques Rouchon, la Renault 4CV du photographe Maurenchon, la Renault 2CV du journaliste Lavergne [1]. »
A l’agence Les Reporters Associés alors que selon les souvenirs de Louis Le Roux dit « Loulou », « Partir en reportage avec Lova de Vaysse (le patron de l’agence), c’est l’aventure ! D’un coup, à 7 heures du soir, il se décide : « tu viens on part à la montagne… » Les exploits d’alpinistes font alors la Une de Paris Match « Je n’ai pas le temps d’aller me changer, pas de valise, on monte dans sa voiture une Frégate Renault et en route. Il aime rouler la nuit, moi je ne conduis pas. A 4 heures du matin, c’est son habitude, il s’arrête au bord de la route et s’endort jusqu’au lever du jour. Nous sommes en hiver, il fait nuit noire mais on arrive à pied d’œuvre au petit matin ».
Mais, pour partir en reportage, il faut une voiture et de l’essence. Et en 1956, Lova de Vaysse fait comme ses confrères une demande d’autorisation de circulation pour deux véhicules qui « font plus de 5 000 km pour des reportages en France et à l’étranger ». Il précise que « la Frégate 8181 FC 75 transporte le matériel et les films sur place, dont le poids exclut tout autre moyen de transport [2]». Vu la demande de 1 200 litres d’essence, le Syndicat National des Agences de Presse (SNAP), ancêtre de la Fédération Française des Agences de Presse (FFAP) demande des précisions sur les reportages. Le 2 décembre 1956, Lova de Vaysse répond : « Pour vous donner un exemple plus concret voici, pour le dernier mois, les déplacements importants effectués par les véhicules de l’agence :
- Paris – Tübingen et retour : 1600 km (Mariage de Marie-Thérèse de Wurtemberg chez elle)
- Paris – Lausanne (deux fois) 3 000 km (Avant et après la naissance du fils d’Ira de Fürstenberg)
- Paris – Bilbao et retour 2 200 km (reportage Erauquin, nouvelle méthode de lancement du javelot)
- Paris – Stuttgart, Zurich, Altshausen, Zurich et retour 3 500 km (Fiançailles officielles du Dauphin de France et de Marie-Thérèse de Wurtemberg).
Et actuellement nous projetons un reportage en Dordogne qui oblige au déplacement d’un important matériel et ne pouvons l’effectuer maintenant par manque d’essence. Pour se reporter aux cinq derniers mois, depuis l’achat de la Frégate, le compteur marque plus de 3 000 km pour cette seule voiture, la deuxième est dans un cas identique. Il faut également souligner que, même avant la situation actuelle la restriction de roulage s’opérait automatiquement du fait que ce moyen de transport est d’un prix de revient le plus onéreux. Ainsi par exemple, pour les reportages sur les évènements de Hongrie, nous nous sommes rendus à Vienne par avion. » Nous ne savons pas si Les Reporters Associés ont obtenu les 1 200 litres d’essence qu’ils espéraient.
A l’agence Europress, Raymond Darolle, son patron, déclare que l’agence emploie deux journalistes professionnels et deux employés de presse, qu’elle dispose de son propre laboratoire et que son chiffre d’affaires la classe « pour le moment dans la catégorie la plus modeste ». En décembre 1956, du fait de la pénurie d’essence le journaliste Claude Fromenti, fait une demande d’autorisation de circulation temporaire entre le 11 et le 21 décembre pour aller en reportage à Toulouse, Tulle, Périgueux avec retour par les Sables-d’Olonne en Renault 4CV décapotable conduite par Claudie Alberti [3], vendeuse. »
Au bureau parisien d’Associated Press, Michael O’Reilly Nash, dit Nash, qui fut vingt ans picture editor est attentif à servir les 70 abonnés de l’agence auxquels il envoie par bélinographe les photos de la guerre d’Indochine, des évènements au Maroc, en Tunisie, en Algérie et naturellement de la crise de Suez. « Nash » fait lui aussi des demandes d’autorisation de circulation pour obtenir de l’essence pour ses reporters photographes : Pierre Godot (Renault Frégate), Jean-Jacques Levy (Simca Aronde), Jacques Marqueton (Peugeot 203). Dans une autre note, plusieurs noms sont cités sans attribution précise autre que « service photo » : Joseph Babout qui a une voiture de même que Marcel Dubois, Henri Giraud, George Walther et Colagne. Il est également précisé que trois possesseurs de moto ont également besoin d’essence : Gaguere, Maguet et Dumaine. Il est précisé que les coursiers appelés « messagers » desservent les gares et les aéroports.
Notes
[1] Source : Archives de la FFAP
[2] Lova de Vaysse, courrier du 1er décembre 1956 au SNAP
[3] Demande d’autorisation temporaire de circuler en date du 10 décembre 1956. Source : Archives de la FFAP
Dernière révision le 9 octobre 2024 à 9:59 am GMT+0100 par
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