Si le Domaine de Chaumont-sur-Loire, centre d’art et de nature, mêlant art contemporain, art des jardins et patrimoine, est bien connu pour son annuel festival des jardins, chaque année depuis cinq ans, la période hivernale est consacré à la photographie et sont présentées les œuvres de grands photographes portant un regard particulier sur le paysage et la nature. Pour l’édition qui vient de commencer, le travail de quatre photographes est au programme avec près de deux cents images exposées jusqu’au 28 février 2023.
Tout d’abord la remarquable série sur les arbres par Michael Kenna, de petits formats en noir et blanc, exercice a priori un brin casse-gueule tant le thème peut sembler banal voire éculé. Mais ce serait trop vite oublier que l’artiste est un maitre de la photographie de paysage. Ayant parcouru de nombreuses régions du monde, il a régulièrement photographié les arbres ne prenant conscience que récemment de l’importance de ce thème dans son travail.
« Quand on me demande pourquoi (… je photographie des arbres), je réponds généralement que les arbres n’ont pas besoin de se pomponner, qu’ils ne nous répondent jamais et qu’ils semblent toujours heureux des portraits que je fais. Ils sont aussi farouchement indépendants, graphiquement beaux et semblent tout à fait heureux d’attendre dans le froid pendant de nombreuses heures pendant que je fais de longues expositions. Comment peut-on ne pas aimer photographier un arbre ? «
Une centaine d’images, sélectionnées parmi celles produites sur une période de 50 ans, s’apprécient à plusieurs niveaux. Séparément chacune est un petit bijou de composition d’une grande élégance formelle et ayant sa propre histoire à raconter. Chacune par sa légèreté, son minimalisme et sa poésie est envoutante, une invitation par sa taille à s’approcher de ces « portraits » jusqu’à s’y fondre. Ensuite, le regard prenant du recul, on distingue que la scénographie crée des familles, des affinités harmonieuses. La neige, le brouillard, l’aube, les formes allongées ou trapues, les plaines, les forêts, etc. Enfin, l’ensemble crée un nouveau paysage sylvestre un peu improbable mais surprenant par la multitude d’essences et de silhouettes réunies.
Autre atmosphère, mais plaisir assuré, avec l’exposition de Flore « L’odeur de la nuit était celle du jasmin » voyage photographique au long cours d’une grande qualité esthétique mêlant souvenirs personnels de l’époque de ses grands-parents et imaginaire sur les traces de Marguerite Duras en Indochine. Les tirages de très belle facture sont ténébreux comme la nuit et une nouvelle invite à pénétrer ces paysages indochinois mystérieux, à ressentir la moiteur de la mousson, à pénétrer une végétation dense, où se mêlent un passé mélancolique et un présent d’invention.
« Ce qui m’intéresse, c’est justement la capacité qu’a la photographie de nous faire voyager dans le temps, et comme le monde est devenu très petit, on peut facilement voyager, en revanche voyager dans le temps reste assez mystérieux. Le pouvoir qu’aurait la photographie de faire des images d’un temps antérieur, étirer le temps, faire rêver, m’intéresse. »
Ensuite encore des arbres avec Eric Bourret qui depuis 30 ans arpente les territoires naturels pour constituer une mémoire des paysages. C’est une expérience subjective réalisée par des expositions multiples superposées en jouant sur le hasard pour créer du merveilleux. Et pour finir, des images de Denis Brihat qui a poursuivi sa vie durant un travail d’orfèvre sur le monde naturel et plus particulièrement végétal. Au plus près de son sujet, oignon, lichen, tulipe ou kiwi, l’auteur en donnant à voir des choses de la nature dévoile la nature des choses dans leur plus simple appareil.
Gilles Courtinat
Site du Domaine de Chaumont-sur-Loire
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