Publié dans le n°12 de novembre 1973 du mensuel Reporter, un « spécial ViVA », l’article d’Hervé Tardy avait grand bruit dans le « Landernau » photographique de l’époque. Nous le reproduisons ici, à l’occasion des 50 ans de la création de VIVA, avec l’aimable autorisation de son auteur, pour l’Histoire.
Parler de nouvelle vision ou de nouvelle école peut paraître un peu pompeux et présomptueux lorsque l’on parle de photographie. Cet art est tellement rempli d’usurpateurs, de faux stylistes qu’il peut apparaître audacieux de classer un style sans être à la merci de l’erreur. En ce qui concerne VivA, leur sincérité ne fait aucun doute. Cette vertu d’ailleurs est peut-être leur premier ennemi. En effet, comment faire pour vendre une photographie élaborée et peu complaisante quand on s’adresse à un marché qui consomme avec ardeur des photographies non élaborées et complaisantes, cette ambiguïté constitue tout le dilemme de VIVA. Pour résoudre cette difficulté, il faudrait que certains de nos journaux comprennent l’intérêt qui réside dans le style des photographes de cette agence.
En toute honnêteté, il s’avère que l’esprit de certains chefs de service photos changent et, petit à petit l’on accepte le travail des sociétaires VIVA. Aujourd’hui, après une période difficile, l’agence trouve progressivement sa voie et son marché.
Définir le style VlVA n’est certes pas aisé. C’est un style fort peu conventionnel et original avant tout. Ces photographies de VIVA sont les photographes privilégiés de l’instant. Ils héritent, par là-même, de la voie tracée par Henri Cartier-Bresson. Ils ne se cachent pas de cette étiquette et considérant à juste titre, que leurs images sont avant tout, subjectives. Il serait faux de chercher chez eux une objectivité qui n’existe pas.
VIVA fait figure de marginale. Il existe chez eux une intégralité qui n’existe pas dans les autres grandes coopératives
On pourrait parler d’un certain militantisme photographique ce qui, je crois, se retrouve dans leur dernier thème : « La famille en France », thème qu’ils exploitèrent tous en commun. Cette exposition que l’on a pu voir dans les grandes capitales, Londres, Milan, New York, n’a jamais été exposée en France. On peut découvrir dans ce travail un désir de montrer et de démontrer un fait. Ce thème de réflexion n’avait pas la prétention de faire le tour des différentes familles que l’on retrouve dans nos classes sociales, mais c’était je crois, de montrer la manière de vivre en famille des français. C’est une vision indiscrète qui surprend les moments les plus significatifs du chez soi. Cet essai apparaît dans notre art comme une innovation surtout lorsque c’est l’ œuvre d’une agence de diffusion. Cette manière de travailler en commun est une des originalités de travailler de VIVA. C’est une expérience qui sera sans doute renouvelée, et dont nous attendons beaucoup, nous y voyons une espèce de résurrection du « Farm Security Administration » qui se définissait de la même manière. Si cela s’avère exact, je crois que nous pourrions louer VIVA de nous faire consommer de la bonne photographie et d’être en France le fer de lance d’un certain style. Il faudrait en premier lieu les féliciter d’avoir su s’imposer et d’avoir su montrer 1’intérêt que peut avoir une telle démarche.
Par rapport aux autres exigences, VIVA fait figure de marginale. Il existe chez eux une intégralité qui n’existe pas dans les autres grandes coopératives. Certaines agences font seulement un commerce de l’image et malheureusement elles sont un peu le fossoyeur de certaines tendances. En inondant notre presse dans le seul souci d’augmenter leurs revenus, ces agences empêchent la publication de photos qui mériteraient d’être vues.
De plus, elles ont le défaut d’engendrer une catégorie de photographes sans foi ni loi qui causent un grand tort au photojournalisme et à son développement, photographes cordonniers qui sont les besogneux (riches malheureusement) de notre métier.
Certains n’ont même pas le courage de revendiquer la signature de leurs photos et ils s’abandonnent et s’engloutissent dans l’anonymat. D’autres, bien qu’exigeant la signature de leurs œuvres, s’abandonnent et s’engloutissent en touchant à tout, dans le seul désir d’être présent quand il le faut. Le plus souvent leur précipitation guerrière les rend borgnes et n’arrivent à couvrir qu’à moitié le sujet donné. Bien que certains traitent les photographes de VIVA d’artisans, il faut reconnaitre que ces artisans-là ont l’avantage de faire du travail bien fait. Je voudrais dire, pour finir, que cette démarche photographique n’a rien de rétrograde.
Elle ne va surtout pas à contre-sens du marché, c’est le marché actuel qui va à contre-sens du bon sens. Cette forme de photographie se développe de plus en plus aux Etats-Unis et il se pourrait qu’elle arrive à conquérir des marchés encore plus importants. Il faut simplement qu’on lui reconnaisse ses lettres de noblesse et sa vraie valeur. Cela empêchera les fournisseurs de pauvres photographies de pulluler. Cela amènera, au moins, certains photographes à éviter de faire n’importe quoi dans le seul but d’avoir des revenus plus que suffisants.
Hervé Tardy
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Dernière révision le 9 octobre 2024 à 10:25 am GMT+0100 par la rédaction