Il y a cinquante ans, en 1973, Hubert Henrotte rachetait l’agence APIS pour créer Sygma à la suite du conflit entre les associés de Gamma. À cette occasion, L’oeil de l’info a rencontré Monique Kouznetzoff.
À la brasserie « Au trois obus », porte de Saint Cloud à Paris, quand j’exprimais à Hubert Henrotte, fondateur des agences Gamma et Sygma, mon souhait d’interviewer son épouse, Monique Kouznetzoff, « la reine du people » de Sygma, mais aussi la jeune fille qui débuta à l’agence de presse Les Reporters Associés, il prit un air songeur : « Je vais lui en parler. En ce moment, je ne crois pas qu’elle ait envie… » Pas très encourageant. On était en… Oh, peu d’années après la faillite de Corbis-Sygma… Hier pour moi. La préhistoire pour les jeunes gens d’aujourd’hui.
Le temps a passé et j’ai eu une longue conversation enregistrée avec Éliane Laffont qui a relancé l’idée. Après Hugues Vassal, Raymond Depardon, Floris de Bonneville, Marianne Caron, Alain Dupuis, Alain Noguès, Jean-Pierre Laffont et tant d’autres, il fallait absolument enregistrer Monique Kouznetzoff… Indispensable d’entendre Monique et Éliane, les deux femmes grâce auxquelles Hubert Henrotte a fait de Gamma puis de Sygma, les agences vedettes de la seconde partie du XXe siècle.
J’étais fort impressionné en débarquant rue Bassano dans le seizième arrondissement de Paris. Pour la jeune génération, il faut dire que Monique Kouznetzoff, « Kouzo » comme les gens de la photographie de presse l’appelle, est un grand témoin de l’essor du photojournalisme dit « à la française ».
Monique Kouznetzoff et Misha Henrotte, son fils, m’accueillent chaleureusement. L’ambiance des bureaux est intime. Canapé. Table basse. Comme souvent avec les gens de la photographie de presse, Monique s’inquiète : « Qui cela va-t-il intéresser ? » Mais « je le fais pour Misha » conclut-elle.
Petite-fille d’émigrés venus de Russie pour cause de famine, elle nait à Paris : « Je suis une vraie Parisienne ». Elle débute dans les années 1960 aux Reporters Associés qui est alors, avec l’agence Delmas l’un des creusets où s’invente le photo-reportage de l’après-guerre. Lowa de Vaysse, des Reporters Associés, lui apprend le métier. Leurs origines communes les rapprochent. Il lui apprend à éditer les images, faire le choix des bonnes photos avec un compte-fil, sur des planches-contacts qui rassemblent les négatifs 24×36 des reporters. Elle apprend le recadrage, donc le cadrage et la valeur informative d’une image, à une époque où les photographes de presse sont considérés, et souvent se considèrent eux-mêmes, comme des techniciens et non comme des artistes.
Bref passage dans l’éphémère agence Vizo. En 1967, Hubert Henrotte l’embauche à Gamma. C’est le début d’une ascension sidérante. Déjà à Gamma, elle suit l’actualité des gens importants, mais à Sygma, elle va faire du département people un exemple de création photographique, d’efficacité et de rentabilité.
Monique va faire les unes du monde entier avec les stars pour qui elle organise des rendez-vous photos devenus incontournables. Elle place ses photos directement aux directeurs des magazines, laissant aux vendeurs le soin de parler argent. Et ces derniers ne s’en plaindront pas. D’ailleurs, personne ne se plaint de Monique Kouznetzoff.
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