Jeudi 7 septembre 2023, à l’heure de la sieste, je débarquerai au « centre du monde », à la gare de Perpignan.
Etrange impression de revenir à Visa pour l’image, 15 ans après mes premières chroniques sur « A l’œil » dans le Club Mediapart : le compte-rendu de Visa 2008.
« Ce qu’il y a de terrible ici, c’est qu’il manque toujours quelqu’un… » Commentait Mark Spencer Grosset en m’offrant en 2005 mon premier Visa pour l’image. Il ajoutait en souriant : « Alors, finalement, même ceux que nous détestions quand nous étions jeunes, on leur saute maintenant dans les bras ! »
A l’époque Goksin Sipahioglu et Hubert Henrotte étaient encore vivants. Aller à Perpignan, c’est comme aller à Bayeux, vous ne voyagez pas seul. Les gens de la photo de presse viennent tous à Visa pour l’image avec leurs fantômes, les Horst Faas, Henri Huet, Christian Simonpietri, Alexandra Boulat, Stanley Greene, Rémi Ochlik et tant d’autres… Et, les jeunes viennent avec un «maître» en tête montrer leur portfolio aux picture-editors.
Cette année, comme d’habitude, il y aura du « beau monde ». Des expositions en veux–tu en voilà ! Par contre, depuis l’épisode Covid : plus de stand d’agence hélas ! Mais cerise sur le gâteau : les projections du Campo Santo sur l’écran de 24 mètres. Plein les yeux. J’adore ! Rien à voir avec les retransmissions par Internet.
Le Campo Santo est le lieu où apprendre que le photojournalisme est bien vivant, malgré des décennies d’épreuves.
C’est un formidable workshop gratuit !
Le fameux « âge d’or » tant évoqué avec regrets ou envies; ne l’a été que pour une poignée de professionnels du people et du hot news, ceux qui furent en commande pour Time ou Newsweek, à la grande époque où les photos de satellites étaient d’une qualité jugée insuffisante par la CIA. Faute de drones, les services s’intéressaient en sous-main au travail des reporters… Certains le savaient, d’autres étaient inconscients. Il paraît que cette époque est terminée, ou à changé de modèle… Avec les smartphones, les populations sont maintenant devenues auxiliaires des services de renseignement et des polices. Après, comme dans toutes les époques, il y a des collaborateurs, des opportunistes, des âpres aux gains, des héros, des généreux, des honnêtes. Les photographes « couvrent » le monde, mais ils en font également partie.
Visa pour l’image, c’est faire une formidable revue de presse,
et c’est pour cela que j’y retourne toujours avec plaisir..
Cette année, où l’on fête les cinquante ans de Sipa press, toujours vivante, l’anniversaire de la création de Sygma passe inaperçu. En mai 1973, le putsch des photographes et du personnel de Gamma conduisit à la séparation des associés, et, Hubert Henrotte dut, une nouvelle fois créer une nouvelle agence « magazine » au XXème siècle. Cette « histoire française » comme la qualifiée une universitaire, fut en fait une histoire d’immigrés et d’étrangers. Mis à part Hubert Henrotte et avant lui Louis Delmas, tous deux « français de souche », les agences photos furent le plus souvent peuplées d’Allemands, de Hongrois, de Russes, de Turcs, de Vietnamiens, d’Iraniens, d’Afghans, de migrants de toute la planète ; et, après la seconde guerre mondiale, ce sont les dollars américains qui ont fait vivre beaucoup de monde à travers les magazines financés par le Plan Marshall (Toute la presse illustrée européenne). La mondialisation du marché de la photographie de presse ne date pas d’hier. Et, c’est encore des USA qu’arriva le bouleversement de « l’industrie de l’image » avec l’Internet.
On va aussi commémorer le cinquantenaire de la mort du président Allende au Chili. Robert Pledge célèbre par une expo et un livre [Voir note avec David Burnett et Raymond Depardon] ce terrible évènement qui sonna pour ma génération la fin des espoirs utopistes du peace and love. Ce n’était que le début. Le coup de grâce fut donné par l’autre 11/09, celui du retour sur la scène de l’actualité de l’islamisme conquérant. Patrick Robert, qui va publier le 21 septembre prochain « Chaque heure compte, la dernière tue » (Erick Bonnier Editions) me rappelait, dans un podcast à paraître ici, les circonstances de la grève de 2001 à l’agence Sygma devenue Corbis Sygma. Seul en Afghanistan pour couvrir l’invasion américaine qui cherche Ben Laden, il réclame du renfort : « c’est la grève, tu peux rentrer » lui répond la rédaction-en-chef ! Évidemment, il reste sur place.
Une grève ? Ce n’était pas dans les vues de Bill Gates, l’unique patron de Corbis, et, c’est ainsi que le comité d’entreprise apprendra en 2001 le plan conçu outre-Atlantique pour déposer le bilan et fermer Corbis-Sygma. Ce qui arriva 9 ans plus tard. Conséquence ? Des millions de photos sont bloquées depuis treize ans par l’administrateur judiciaire, Getty images France, Locarchive et Visual China Group acquéreur de Corbis… Mais qui s’en soucie à part L’œil de l’info ? Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un seul photographe pour réclamer ses images ! Nous en reparlerons la semaine prochaine à propos d’une récente décision judiciaire ; et si d’autres photographes se manifestent, ils sont les bienvenus à la rédaction.
D’A l’oeil à L’Oeil de l’Info
Depuis 15 ans, sur www.a-l-oeil.info, j’ai beaucoup chroniqué Visa, interviewé de nombreux photojournalistes… Avec l’arrivée de Jean-Louis Vinet, L’œil de l’info a également « hérité » des archives de WGR, la radio des grands reporters et des écrivains voyageurs. Toutes ces archives nous intiment le devoir de pérenniser ce fonds de témoignages. Pour cela, nous avons créé l’Association Journalisme & Photographie, et allons déposer un dossier à la Commission Paritaire des Publications et Agences de Presse afin de devenir officiellement un Site de Presse en Ligne.
Autour du blog, devenu le site www.a-l-oeil.info se sont retrouvés avec Jean-Louis Vinet : Gilles Courtinat, qui animera vendredi 8 septembre à 15h00 une table ronde à propos de l’intelligence artificielle à Visa ; et Alain Mingam, commissaire d’expositions, ancien rédacteur-en-chef de Gamma, de Sygma, du Figaro Magazine. C’est l’homme des projets. D’autres ont débuté des collaborations : Rose Monet, la voix de L’oeil de l’info, Maurice Achard le compagnon de Combat, l’enquêteur Pierre Abramovici, Thomas Haley l’Américain-Normand, Bernard Perrine de l’Institut, Daniel Psenny de Budapest et du Monde, Richard Walter disparu Sur la route…
Tous ensemble, nous essayons de lancer une nouvelle formule de L’œil de l’info, un site plus complet avec des collaborateurs plus jeunes et d’autres seniors soucieux de la transmission de leurs savoirs.
La souscription que nous avons lancée avant l’été au nom de l’Association Journalisme & Photographie flirte pour le moment avec le tiers de notre premier objectif. Le premier cercle de nos amis lecteurs, auditeurs, surfeurs a été atteint : des entreprises de presse (Abaca press, Sipa press, ProPixo, Le Pictorium) et des professionnels ont répondu à notre appel. Et… vous ?
Il nous faut maintenant élargir notre audience, et nous comptons sur vous pour nous faire connaître auprès de vos ami(e)s.
Ce n’est qu’un début…
- « Septembre au Chili 1971/1973 » Publication le 7 septembre 2023
Photographies de David Burnett et Raymond Depardon avec les textes Sonja Martinson Uppman, ex-secrétaire à l’ambassade de Suède au Chili en 1973, Alejandra Matus, Robert Pledge, journaliste, Luis Poirot, photographe 192 pages, 124 photographies N&B – 49 € – ISBN : 978-2-36511-370-0 - Exposition à la Galerie Le Château d’Eau, Toulouse du 11 septembre 2023 au 7 janvier 2024
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Dernière révision le 4 novembre 2024 à 9:27 am GMT+0100 par la rédaction
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