C’est le grand projet bibliographique, qui n’a jamais vu le jour, d’un maître de la photographie du XXe siècle. Un ouvrage qui emprunte « dans toute mon oeuvre, un essai photographique très complexe qui reflète vraiment ma philosophie, mes raisons, mes dévouements, mes buts. Il y aura des chapitres, des sous-chapitres et des incidents, et il faudra le lire et le relire aussi souvent que les livres de Faulkner avant de pouvoir le comprendre ».
William Eugene Smith commence l’élaboration de ce qu’il veut être à la fois une rétrospective de son travail et un manifeste reflet de sa philosophie de la vie. Il assemble ses photos sans indication de contexte ni ordre chronologique dans un voyage visuel où les images d’enfants, de guerre, de travailleurs, de villes, de mort, racontent la condition humaine. En 1962, il a fini de réaliser à la main, à partir de photocopies, deux maquettes sans texte, si ce n’est quelques mentions manuscrites, qu’il présente à des éditeurs. La proposition est trop audacieuse, trop risquée, trop exigeante pour l’époque, avec ses 380 pages et 450 images. Ce qui sera appelé «The Big Book » est unanimement rejeté comme non viable et non commercial et le photographe meurt en 1978 sans que ce livre n’ai été publié.
Cinquante ans plus tard, les éditions de l’Université du Texas, en collaboration avec le Center for Creative Photography qui conserve l’oeuvre de Smith, ont publié un fac-similé de ce projet tel que l’avait conçu son auteur. Le résultat peut être déroutant pour l’amateur du travail d’un photographe réputé pour la qualité de ses tirages noir et blanc. Le temps a joué sa partition et les reproductions du document original montrent des images de médiocre qualité sur un papier jauni et écorné. Cet ouvrage n’en reste pas moins le témoignage d’une oeuvre magistrale, lyrique et passionnée, contestant la narration photographique traditionnelle et qui n’est pas sans évoquer le travail ultérieur de photographes comme les Japonais de Provoke.
« Jamais je n’ai trouvé les limites du potentiel photographique. Chaque horizon, une fois atteint, révèle un autre appel au loin. Toujours, je suis sur le seuil. » (W. Eugene Smith)
The Big Book d’Eugene Smith
3 volumes en anglais – 341 pages, 248 x 324 mm
Ed. University of Texas Press et the Center for Creative Photography at the University of ArizonaDernière révision le 4 novembre 2024 à 9:27 am GMT+0100 par la rédaction
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