Qui a planté cet arbre dans le couloir ? D’où vient cette neige qui tombe fin septembre ? Que fait cette cathédrale dans le ciel ? Où va ce fleuve furieux qui traverse le salon ?
Que font ces dizaines de bouteilles d’eau sur la table basse ? Que lui veut cette foule de passants qui avance en se montrant menaçante ? Qui sont ces enfants qui lui tournent le dos et le regardent parfois, en le fusillant du regard ? Pourquoi cette page d’écriture à la main est-elle illisible…
Illisibilité…
Tout cela, effectivement, n’a aucun sens.
En trente-cinq ans, l’aveugle (qui ne l’a pas toujours été) n’avait jamais connu une aussi longue crise d’hallucinations visuelles. Dix jours et un peu plus, d’images de toutes sortes venues de nulle part, en plein dans le visage, pas dans les yeux mais devant les yeux, ouverts comme fermés, faisant écran en noir et blanc.
C’est un naturaliste genevois du nom de Charles Bonnet qui décrivit pour la première fois, en 1760, cet étrange phénomène qui assaillait son grand-père aveugle. Et c’est en référence à ses écrits qu’en 1967 on baptisa ce chamboulement cérébral du nom de syndrome de Charles Bonnet.
Depuis, les recherches n’ont guère avancé sur les raisons de ces crises à la fois déstabilisantes et stressantes, qui sont pires que de ne pas voir.
Godard disait : « Ce n’est pas une image juste, c’est juste une image. » Ici, ce n’est ni l’une ni l’autre. Pas même une image vraie. C’est quelque chose qui ressemble à quelque chose qui aurait pu exister mais qui n’a pas existé, c’est un mensonge, une « fake » vision en quelque sorte.Dernière révision le 26 décembre 2023 à 11:57 am GMT+0100 par la rédaction
- Vivement dimanche ! - 28 juin 2024
- Un jour de plus - 23 février 2024
- Parenthèse chanceuse ? - 16 février 2024