Jacques Pavlovsky est mort dans son lit, à 92 ans, le dimanche 15 octobre 2023 dans la propriété familiale de Chapatero Baixa à Mendichoko sur la commune d’Urrugne dans ce Pays Basque auquel il était si attaché. Pour l’agence de presse Rapho, il parcouru la France ; et pour l’agence de presse Sygma, le monde. Fils de l’architecte André Pavlovsky architecte du phare (rouge) de Saint-Jean-de-Luz au pied duquel aura lieu le dimanche 22 octobre 2023 à 14 heures la cérémonie d’adieux ; il lui a consacré un livre.
« Au photographe de garder lucidité devant les pièges, tentatives de manipulation et autres traquenards tendus par les services de communication très friands de reportages à la gloire de leur patron. » Jacques Pavlovsky [1]
« Jacques tu déconnes ! Tu pars sans rien dire ! » écrit sur Facebook Xavier Périssé, rédacteur-en-chef Sygma (1973-1983) « Il nous en restait tant de ces beaux moments où l’on parlait de tout, de la photo, de Sygma où pendant dix ans nous avons confronté notre vison de la « bonne plaque », la bonne image que publierons tous les magazines, mais aussi de nos familles. Tu ne comprenais pas toujours les choix de tes enfants, tu t’inquiétais parfois ; mais tu concluais toujours par ce petit rire, sorte de virgule ou de point d’exclamation qui n’appartenait qu’à toi. Ta signature ! Tu avais l’intelligence du regard porté sur le monde que tu avais si souvent sillonné pour témoigner de ses soubresauts et couvrir les déchirements des peuples. A Chapatero tu n’étais jamais seul. Tous tes potes de passage au pays basque faisaient une halte chez Pavlo. Une façon de se réchauffer au rendez-vous de l’amitié et des souvenirs. A ce jour du Grand passage tu vas retrouver Henri Bureau, Hubert Henrotte, Alain Dejean, Christian Simonpietri… Vous allez pouvoir refaire une agence, celle du Bon Dieu ! ».
« Tout a commencé dans le laboratoire photographique de mon père, au fond du garage de leur maison. Jacques Pavlovsky avait sept ans. L’ initiation à la photographie ! Dans le labo baigné de lumière rouge, une feuille blanche préalablement éclairée quelques secondes sous un agrandisseur était plongée dans une cuvette au liquide mystérieux. Invisibles d’abord, les contours apparaissaient peu à peu, ils devenaient plus précis, plus contrastés. Une image naissait. Comme un miracle ! Moment décisif de la vie. À seize ans, premier appareil photographique. Un Semflex 6/6. Photos, photos, photos. Les ami(e) s, le port de Saint-Jean-de-Luz. Puis Paris, l’École des Beaux-Arts, quai Malaquais, l’ École de Photo- Cinéma de Vaugirard, l’ envie de photographier, les graphismes d’abord, puis les gens et la rue. Dieuzaide et Doisneau, Willy Ronis, Kessel, Albert Londres et Simenon pour découvrir l’homme, et la vie du monde. L’ envie de se confronter, l’envie de voir et de connaître. [2] ».
Au tout début des années 60, Jacques Pavlovsky s’installe dans un studio et travaille pour l’industrie et la publicité. Il s’ennuie.
« Un jour, en bas de mon studio de photo, j’ai entendu du bruit. J’ai regardé par la fenêtre et j’y ai vu une grosse manifestation. Je n’avais pas de matériel sur moi, je suis donc allé chez un photographe et j’ai acheté un petit appareil 24×36. En fait, c’était le début de mai 68. À partir de ce jour-là, j’ai tout arrêté et je me suis lancé dans les histoires de la rue » racontait-il à Ainize Butron dans un entretien pour Euskonews [3]. Il commence alors une longue collaboration avec l’agence de presse Rapho.
« Jacques et mes parents s’entendaient bien. Il venait souvent diner à la maison, c’est plutôt comme cela, à la maison, que je l’ai connu. A Rapho, il a beaucoup fait de portrait de personnalités politique. On faisait des couvertures de magazine toutes les semaines avec ces photographies ! Et puis il a documenté la société française, le social, la santé, la vie des Français. Et, à un moment, la France est devenue trop petite pour lui, il voulait se confronter au monde et il est parti à Sygma. Mais ce fut triste pour l’agence, mais sans aucun conflit entre mes parents et lui. Une séparation en bonne intelligence » se souvient Kathleen Grosset, directrice de l’agence de presse Rapho.
Lecteur de Joseph Kessel, pour courir le monde, l’Afrique, le Vietnam, l’Irak, l’Asie et les boat-people en mer de Chine, il fait parti de la grande équipe de Sygma qui vient d’être créée.
« Avec Hubert (ndlr : Henrotte) ils avaient une vraie amitié. Il y a quatre ans environ, nous sommes allés le voir au Pays Basque. Hubert avait déjà du mal à marcher et Jacques l’aidait. C’était émouvant. Pavlosky c’est un des derniers grands seigneurs de la première équipe de Sygma. » conclut Monique Kouznetzoff, l’épouse et l’associée de « HH » depuis Gamma.
Pour Sygma, 40 ans de photojournalisme, le livre coordonné par Michel Setboun (Ed. La Martinière), Jacques Pavlovsky avait écrit :
« Mon premier reportage en Irak date de 1979. Saddam n’était que vice-Président, le Parti Baas idéalisait un monde arabe sans frontières, les nations européennes lorgnaient les marchés à venir. On m’a montré des tracteurs en ligne qui labouraient des champs pierreux, des femmes apprenant à broder au son de discours nationalistes sans cesse rabâchés, des cours d’alphabétisation de la population, des manifs de rue organisées, scandées de slogans à la gloire des dirigeants. »
« Je l’avais rencontré une première fois en Afrique en 1977, puis avec Bernard Kouchner et Jacques, nous étions en 1984 au Kurdistan avec le PDKI. Après trois ans, de 1985 à 1987, nous avons couvert la guerre Iran-Irak, toujours la même bande, Jean Claude Delmas pour l’AFP, François Lochon pour Gamma, Jacques pour Sygma, Philippe Rochot pour Antenne 2 et moi pour Sipa. » se souvient José Nicolas.
Impossible de citer tous les témoignages de ses confrères, unanimes à reconnaître la qualité de son travail de photographe ; mais, également, ses qualités d’homme. Dans les années 70, il était un des très rares photographes d’agence à prêter attention aux jeunes photographes débutants. Toujours courtois, il conseillait délicatement l’un ou l’autre.
Un grand Monsieur du photojournalisme nous a quitté.
La rédaction de L’œil de l’info adresse ses chaleureuses condoléances à ses enfants, petit-enfants et à ses amis.
Notes
- [1] Jacques Pavlovsky in Vie et chaos 2016 – Inédit.
- [2] Jacques Pavlovsky in Vie et chaos 2016 – Inédit.
- [3] Jacques Pavlovsky, photographe « Il n’y a pas de petit ou grand sujet, il faut être bien devant chaque sujet »Traduction au français de l´original en basque d’Ainize Butron https://www.euskonews.eus/0171zbk/elkar17101fr.html
Dernière révision le 29 octobre 2024 à 12:22 pm GMT+0100 par la rédaction