Sourire aux lèvres, toujours enthousiaste, dans l’impatience de la prochaine édition annuelle, Aurélie Vieil s’honore de l’état de veille permanent qu’elle assume toute l’année durant. Car rien ne lui échappe de l’actualité quotidienne de notre monde. Sans jamais pour autant intervenir ou s’immiscer dans le choix des pré-jurys. L’interview ci-jointe en témoigne.
« Aurélie de Bayeux » pour mieux démocratiser une formule qui conjugue naissance et reconnaissance, appartient à l’aristocratie présumée de la gestion d’événements exceptionnels. Elle n’est que garante du règlement toujours soumis au « Comité de pilotage » de la municipalité ? Elle en parle avec légitime et totale fierté. Pour avoir contribué à faire du Prix Bayeux un rendez-vous obligé.
Celui de la famille des reporters de guerre et d’une société civile de tous les âges Pour faire de chacun de nous tous des passeurs de paix d’une humilité et sens civique aussi grands que le talent des reporters primés chaque année. Ce qui n’est pas peu dire…
Verbatim de l’entretien
Alain Mingam : Aurélie, bonjour ce matin, avec Marco Nassivera , directeur de l’information d’Arte et membre du jury depuis 15 ans, nous nous félicitions du fait que le Prix Bayeux, aujourd’hui, est devenu une référence, régionale, nationale et internationale. Quelles sont, selon toi, les raisons qui font du prix aujourd’hui un exemple à suivre ?
Aurélie VIEIL : Alors, oui, un exemple à suivre, je n’irais peut-être pas jusque-là. Je pense que le PRIX a réussi à créer, en 30 ans, un rendez-vous obligé, évident pour le public, et pour les professionnels. Un rendez-vous d’échanges qui prend le temps de comprendre l’actualité, de s’en imprégner. Oui, je crois que le mot échange est certainement le terme qui résume le mieux les mérites du PRIX. Les professionnels se retrouvent pour parler de leur métier, pour aussi pour récompenser les meilleurs reportages. Et puis, ils ont besoin aussi d’avoir ce retour du public, qui est finalement la raison d’être de la profession. De voir que les reportages sur l’actualité internationale, intéressent un très large public
Alain Mingam : Mais il existe, de par les effets pervers des réseaux sociaux, une forme de déni de la presse, un certain rejet de la part du public ,qui ici à l’opposé témoigne d’une adhésion totale au prix. Est-ce que c’est lié la qualité de la programmation qui est de ta responsabilité ? Quelles sont les priorités que tu mets chaque année en avant ?
Aurélie VIEIL : Alors, c’est vrai que j’essaye d’écouter beaucoup les reporters. IL faut rester toujours très exigeant dans ce qu’on me propose, comme le sont eux-mêmes les reporters de guerre dans la pratique. Et j’essaie de rester très à l’écoute d’être en veille. Et je pense que, contrairement à certains choix rédactionnels, on voit que le public s’intéresse aux conflits, essaye de comprendre.
Alain Mingam : L’initiative du Président Jean -Léonce Dupont et de Patrick Gomont – maire de Bayeux de créer le Prix Grand Public sponsorisé par l’AFD-(Agence Française de Développement ) a-t-elle été pour toi ,le moment venu , la reconnaissance et l’amplification de cette adhésion populaire ? Y-a-t-il des raisons très précises à ce partage de liens et d’échanges pendant une semaine ?
Aurélie VIEIL : Je pense que ce métier de reporter de guerre, est empli de totale humanité. Je crois que la prédominance de ce côté très humain, crée le sentiment chez les reporters comme dans le public d’appartenir à une famille. C’est plus qu’une impression, c’est une réalité qui transparaît aussi dans les rendez-vous, dans les échanges. Cela fait beaucoup de bien aussi au public de vivre cette humanité, de voir cette compassion, de voir un vrai choix de vie, incroyable pour aller sur des terrains de guerre. Pour prendre des photos, faire des vidéos, ou écrire des reportages. Il y a un vrai respect de la part du public, réciproque de la part des reporters. Et permets moi-c’est là le truc qui marche. Il faut continuer à donner envie aux reporters de venir. Cela veut dire qu’il faut être très à leur écoute, pour savoir si on va dans le bon sens ou pas. Et je sais que dès qu’ils ils sont là, le public est là.
Alain Mingam: La mise en place, de l’intervention des reporters de guerre dans les collèges , auprès des jeunes lycéens, qui sont les adultes d’aujourd’hui ,c’était pour toi une évidence incontournable ,une préoccupation primordiale ?
Aurélie VIEIL : Oui, oui, on voit que cette volonté a porté ses fruits. Hier soir, à la soirée de « La Halle ô grains », il y avait quand même Charles-Henri Groult, qui est aujourd’hui responsable de la vidéo au journal « Le Monde ».Il est un ancien lycéen bayeusin , toujours très sensible à l’existence du Prix. Je ne dis pas que c’est le prix Bayeux qui a créé sa vocation, mais je pense qu’aller chercher un peu les jeunes, les questionner, les interpeller, les sortir aussi hors de leurs écrans, c’est les ouvrir un peu sur autre chose. Moi, je le vois avec mon fils : très « Ado ». Il a participé cette année à beaucoup de rendez-vous du Prix et m’a posé plein de questions. C’est très bien, c’est quelque part extrêmement positif.
Alain Mingam : Je fais exprès de ne pas savoir quelles sont tes relations avec le -Pré-jury de chaque spécialité( photo – tv- presse écrite -radio – jeune reporter -etc) .As-tu un certain contrôle ou fais-tu totalement confiance?
Aurélie VIEIL : Non, je fais totalement confiance. Moi, je ne suis pas journaliste et jamais je me le permettrais. Je ne suis que garante du règlement. Je vois si dans les sélections, tout est conforme ou pas. Parfois des questions se posent et je les alerte en disant : « attention ce choix là, vous aurez peut-être du mal à le justifier. Posez -vous toutes les questions avant d’aller plus loin.
A. MINGAM : Tu as des exemples à donner à ce propos ?
Aurélie VIEIL : Oui, mais après, ils ne m’ont pas écouté. La preuve que le pré- jury est toujours souverain, quand il y a eu ce choix du reportage sur la décapitation de Raqqa par Emin Özmen. Typiquement, j’avais demandé : êtes-vous bien sûrs de vouloir le choisir car il voulait en faire débat dans le Grand jury Photos /
C’était l’année où les parents de James Foley étaient là pour honorer la mémoire de leur fils décapité par Daech. Pour nous aussi, en tant qu’organisation, c’était compliqué. Mais après, c’est le pré-jury, encore une fois qui est souverain de choisir. Ce genre de décision arrive rarement. Dans ce cas-là, c’est sûr qu’au grand jury final, il y aura toujours quelqu’un qui va dire : mais qu’est-ce que ça fait là ?
Alain Mingam : Respect du règlement parce que c’était ,raison de plus pour toi , le Prix grand public ?
Aurélie VIEL : Oui, bien évidemment.
Alain Mingam : Le Jury Grand Public l’avait valorisé, contrairement au Jury « Professionnel » avec des débats très vifs à l’intérieur
Aurélie Viel : Il aurait pu gagner.
Alain Mingam : Oui, il aurait pu, il aurait très bien pu.
Aurélie Vieil : La procédure du vote fait qu’on ne sait jamais qui va gagner. Il m’est arrivé de sortir des travaux du jury persuadée d’avoir un avis évident. Et pour autant d’apprendre de la voix de l’huissier une surprise et me dire : « ils n’en ont pas parlé, durant les débats , et pourtant, ils ont voté pour lui ». Toujours la rigueur du règlement
Alain Mingam: C’est l’ancien Vice-Président de Reporters sans frontières- partenaire associé au Mémorial du Prix Bayeux qui te pose la question : « Quel est dans le cadre de ta fonction le moment le plus fort que tu as pu vivre dans l’émotion partagée ?
Aurélie Vieil : L’avenue des parents de James Fowley* je le répète toujours. C’était très dur, d’une émotion sans pareille. Moi, je me souviens d’une dernière fois au Mémorial des reporters, au lieu d’être au téléphone, de gérer des urgences, j’ai tout arrêté, j’ai tout stoppé. Et là, tu, tu pleures parce que c’est insupportable, inoubliable.
Tu vois, rien que d’en parler, c’est l’émotion qui remonte. De pouvoir accueillir les proches ou la famille chaque année, ce n’est que de l’humanité. Pour honorer cette année la mémoire d’Arman Soldin journaliste de l’AFP, tué en Ukraine en 2023 et de Dom Philipps au Brésil en 2022.
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Dernière révision le 4 novembre 2024 à 9:26 am GMT+0100 par la rédaction
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