Plus d’une décennie plus tard, l’odeur du jasmin tunisien semble bien évaporée ; remplacée par celle de la mort au Proche Orient. Des dizaines de journalistes, de photographes meurent en Palestine, en Israël, au Liban, mais toujours des images nous parviennent. Le 17 janvier 2011, Luca Dolega était le premier photographe à mourir a l’aube d’un mouvement qui allait enflammer la Tunisie, puis l’Egypte, la Lybie, la Syrie …
Hamideddine Bouali, qui a rejoint notre rédaction, fait le point sur ses consoeurs et confrères qui sont « nés » de la révolution tunisienne; et, ont fournis tant et tant d’images à la presse mondiale.
Dans « La cité des photographes » (La Ciudad de los fotógrafos [1]) sortie en 2006, le réalisateur, Sebastián Moreno, revient sur l’histoire de la photographie au Chili sous Pinochet. Le réalisateur est allé à la rencontre des photographes encore en vie pour raconter les années noires de la dictature, certains ont abandonné leur métier ne conservant de ses terribles années que les albums d’images et leur impérissables souvenirs.
Nous étions une bonne dizaine de photographes à avoir assisté à la projection de ce film fin 2012, au centre culturel, Mad’art à Carthage. Lors du débat qui s’en est suivi, nous nous sommes, nous aussi, interrogés sur le devenir de nous autres, ceux qui se sont donnés comme mission de couvrir les évènements de Tunisie, baptisés « Révolution jasmin », « Révolution de Tunisie » puis « Printemps arabe » et de nos images.
Treize ans plus tard, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, aussi bien la scène politique que le paysage photographique ont bien changés. On est souvent bien curieux de connaître ce que sont devenues les gens qui ont été un certain moment sous les feux des projecteurs de l’actualité, puis qui ont disparu des écrans, mais moins du destin de ceux qui ont été témoin de leur surexposition.
Cette enquête fait l’impasse sur les photoreporters déjà en activité avant le 14 janvier 2011. On se contentera pour le moment de les citer. Mohamed Hammi est sous contrat avec Sipa press et responsable photo au magazine tunisiens Leader [2], Fethi Belaïd travaille avec l’Agence France Presse (AFP) et dirige le service photo au quotidien La Presse de Tunis, Zoubeir Souissi fourni des reportages pour Reuters, Hassen Dridi alimente le fil de l’Associeted Press. Amor Harzallah est un des nombreux reporters l’agence Tunis Afrique Presse (TAP).
Les événements de Tunisie du début de 2011 ont créé un grand appel d’air. Bon nombre d’amateurs, d’auteurs-photographes, de blogueurs, d’étudiants au Beaux-Arts et en journalisme se sont précipités pour couvrir ce qui se passe. La révolution se faisant dans la rue, les street photographes se sont donnés à cœur joie. Sujet inédit et à portée de main, absence de police, météo clémente, appareil photo numérique bon marché, contexte souvent tendu sans jamais devenir dangereux comme ce fut le cas en Égypte, en Libye ou pire en Syrie, expliquant cette grande ruée.
Ces photographes ont produit une masse importante d’images de cette turbulente année 2011 ; Tunis en janvier et février, le camp de refugié de Ras Jédir[3] en mars, la campagne électorale en septembre suivi par le scrutin en octobre et des très nombreuses manifestations de toutes sortes, il y avait embarras de choix. Pour chaque sujet, on pouvait disposer d’une large panoplie d’images, allant de la prise de vue obéissant parfaitement aux standards journalistiques, aux photographies anecdotiques, personnelles et même de quelques expérimentations artistiques.
Puis il fallait chercher des plateformes pour diffuser les photos prises. Instagram n’étant qu’à ces débuts, ce fut d’abord sur Facebook, puis sur Demotix, une banque d’images qui délivrait des cartes de presse fort utile lorsque l’accès aux institutions officielles a été règlementé ; assemblée de la constituante, bureaux de vote ainsi que le Palais du gouvernement à la Kasbah. Certains photographes ont été recrutés, d’autres se sont vu offrir des piges ou des commandes pour des reportages par des médias et des agences internationales. Les vitrines des libraires ont été bien garnies de livres souvent abondamment illustrés, à propos des évènements de Tunisie. Certains photographes ont choisi d’exposer leurs images dans les galeries de Tunisie et partout dans le monde. La Révolution fut une réelle bénédiction pour la photographie tunisienne dans son ensemble.
Pour la présente enquête, on se contentera de quelques exemples emblématiques de ce que sont devenus les photographes de la « Révolution tunisienne ».
Printemps arabe, Tunisie (la série)
- Amine Landoulsi, à fleur de peau (2/6)
- Sophia Baraket (3/6)
Notes
- [1] Voir : « La cité des photographes » en V.O. : https://www.youtube.com/watch?v=uycHs_fyFb0
- [2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Leaders_(Tunisie)
- [3] Lors de la révolte libyenne de 2011, le poste frontière est rallié par plus de 80 000 personnes, dont 31 000 Égyptiens. Les militaires tunisiens accueillent les migrantes et migrants au camp de réfugiés de Choucha situé à 7 kilomètres de la frontière, ou les envoient à l’aéroport de Djerba voire vers le port de Zarzis pour être reconduits dans leur pays de nationalité. Le 26 août 2011, le poste-frontière libyen tombe aux mains des insurgés – Source Wikipedia
Dernière révision le 29 octobre 2024 à 12:21 pm GMT+0100 par la rédaction
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