« Russ », comme tout le monde de la photo l’appelle, est une légende. Une légende de l’histoire du photojournalisme.
C’est un de ces « Américains de Paris » arrivé en France au début des « trente glorieuses », photographe a l’agence de presse Dalmas, fondateur de plusieurs petites agences, Omnicron, Visa, Telephoto, VIP press avant de prendre la direction du bureau parisien de Magnum Photo.
Russell Melcher est né aux USA dans le New Jersey à Englewood en 1930 dans une famille plutôt aisée mais qui va rapidement éclatée. Ses parents se sépare. Il a neuf ans, quand sa mère l’emmène à New York. Changement de vie, il passe de la campagne à la ville. L’école n’est pas son fort, de l’école publique le voilà dans le privé, à la Walden School, qu’il quitte à 16 ans sans diplôme. Il commence à travailler pour la Paramount Pictures en tant qu’employé de bureau, il gagne quelques dollars dans une quincaillerie et, finalement s’engage dans l’armée en 1951.
Miraculeusement il ne part pas en Corée et se retrouve avec des jeunes gens de riches familles, « planqué » près de Francfort, en Allemagne. Il va passer deux ans dans une unité chargé de toutes sortes de « missions de communication, nourrie au mess des officiers. » Il est chanceux, car sa génération combat le communisme dans la guerre de Corée.
Libéré en 1953, Russ ne retourne pas aux États-Unis, mais s’installe à Paris. C’est une époque bénite pour les jeunes photographes : les vedettes sont accessibles, les journaux avides de reportage et les lecteurs friands de voir le monde qui est au bout de leur rue, ou mieux, plus loin encore. La guerre a rendu mystérieux des noms de pays, de villes ignorées auparavant du grand public.
A Paris, dans un café, face l’entrée du Sénat, Russel Melcher fait connaissance de deux autres confrères un peu plus expérimentés : Dominique Berretty et Otto van Noppen. En 1954, ils décident de créer l’agence Omicron Photos. L’expérience sera de courte durée.
De 1958 à 1966, Il va alors travailler avec Louis Dalmas dont l’agence éponyme est florissante. Il est alors l’un des photoreporters de cette agence qui emploie également Claude Otznberger, Raymond Depardon, Daniel Angeli et bien d’autres. Louis Dalmas lui confiera la rédaction-en-chef, poste auquel il prendra gout.
En aout 1966, avec notamment Claude Azoulay, ils s’associent dans une éphémère agence, Telephoto qui deviendra VIP Press Agency avec des photographes comme Ray Wilson, Philippe Le Tellier.
« En 1966, l’Olympe de la photographie frappe à la porte de Russell Melcher : la légendaire agence photo Magnum, fondée par des héros de la corporation tels que Henri Cartier Besson et Robert Capa. Russ est devenu un directeur européen respecté et, selon ses propres dires, le seul à être parti volontairement et à ne pas avoir été licencié. »
Russ embauche Anna Obolensky, qui vient des agences Holmes Lebel et Fotogram. « Elle avait la meilleure réputation de compétence pour les archives photos sur la place de Paris, et c’est pour cela que je l’ai embauchée à Magnum dans les années 60.[1] » Il s’entende bien et en 1968, Anna est responsable de la photothèque puis devient directrice du bureau de Magnum au départ de Russel Melcher.
Russ, lui s’est mis à son compte, il a alors la vision prémonitoire d’une agence de photographie informatisée mais, il rejoint le Goupe Hachette Filipacchi. Il devient rédacteur photo pour Paris Match, puis pour divers magazines du groupe dont Newlook qui mêlait jeune femme dénudée à de grands reportages. Il quitte le groupe à 58 ans, part en pré-retraite et s’installe dans le sud de la France, « afin d’extraire de sa mémoire les moments marquants et de les décrire à l’auditeur intéressé lorsque l’occasion se présente. »
Sous la pression de ces enfants, Robert Melcher ancien responsable du Journal du Dimanche et de Paul Melcher, l’un des « 100 individus les plus influents de la photographie américaine. » un livre va naitre « The Golden Age of Photojournalism » ou l’on peut admirer les photographies que Russel Melcher a faite de personnages aussi variés que Romy Schneider, Alain Delon, Burt Lancaster, Erol Flynn, Alfred Hitchcock, Sofia Loren, Brigitte Bardot et des légendes de la musique comme Frank Sinatra, Elvis Presley, Harry Belafonte, Yves Montand, etc.
Mais, au-delà des vedettes de cette belle époque Russ a photographié des grands de la politique international. Une anecdote fameuse concerne le voyage effectué par Nikita Khrouchtchev aux USA en 1959. « Khrouchtchev voulait absolument aller dans un supermarché… Il n’était pas très grand et pour le photographier au milieu de la foule des acheteurs et des gardes du corps, j’ai piétiné le rayon des fromages » se souvient Russ. Il a également immortalisé Charles De Gaulle, Fidel Castro, , le Shah de Perse etc.
« Ce livre ne donne qu’un petit aperçu de l’expérience et du travail extraordinaires de Russell Melcher, un homme qui est devenu photographe autodidacte, directeur d’agence photo et éditeur d’images, c’est-à-dire qu’il a couvert tout le spectre de la photographie professionnelle. »
Autant dire que Russ est une bibliothèque vivante. Un livre rare, indispensable dans toutes les bibliothèques des passionnés de photojournalisme.
Livre
The Golden Age of Photojournalism
Photographies de Russell Melcher
Textes : Matthias Grenda (anglais / allemand)
Editeur : teNeues Publishing Group
[1] Russell Melcher, entretiens avec l’auteur en 2009 et 2021Dernière révision le 4 novembre 2024 à 9:27 am GMT+0100 par la rédaction
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