Flot d’injures, d’insultes, de menaces, les gazouillis électroniques sont devenus des vociférations haineuses sur le fil d’X. De votre voisin à votre député en passant par tous les médiateurs du monde, chacun y va de sa diarrhée linguistique.
En France, il y a pourtant quarante ans qu’une bande de geeks a inventé les messageries électroniques en temps réel sur le serveur videotex du quotidien Les Dernières Nouvelles d’Alsace. C’était l’époque du Minitel. Grâce à la distribution gratuite d’un terminal, les Français découvrirent rapidement les avantages et les inconvénients de la communication instantanée 24 heures sur 24.
Les avantages semblaient prometteurs. Nous entrions dans un monde connecté qui n’a pas fini de nous surprendre. Mais il y avait aussi des inconvénients. La presse, qui avait boudé la nouveauté à ses débuts, s’emballa ensuite pour vilipender les messageries roses sans voir plus loin que le bout du clavier du Minitel.
Si les observateurs n’avaient pas été obnubilé par ce phénomène des messageries roses (à l’époque sans photo, ni video !), ils auraient remarqué que la permanence et l’instantanéité de cette communication ne favorisait pas de raisonnables négociations mais, au contraire, accentuait les désaccords et conduisait à des malentendus et des mal-lus générateurs de conflits. Les messageries en temps réel mènent à des incompréhensions, des ruptures et des divorces.
Gratuit ou payant ?
Le terminal Minitel était gratuit mais les communications étaient payantes. Il y avait donc encore le frein du porte-monnaie ! À la fin du XXe siècle, le triomphe du libéralisme et du lobbying des sociétés informatiques américaines à Bruxelles eurent raison des politiques étatistes en matière de télécommunications. Tout le monde dut acheter (fort cher !) son terminal (Apple, Nokia, Samsung, etc) et le temps de communication devint quasi gratuit si l’on excepte l’abonnement au fournisseur d’accès à Internet.
Le frein du porte-monnaie ayant sauté, le monde entier se rua sur les réseaux sociaux. Politiciens de tous bords, journalistes et communicants s’en donnent maintenant à cœur joie. C’est à qui trouvera la formule la plus percutante, la plus performante pour faire le buzz. Même le président du Sénat, cette chambre parlementaire jadis composée de sages, y est allé de son « ferme ta gueule » adressé à un ancien collègue, lui-même jamais en reste pour faire tourner le manège et nourrir éditorialistes et journalistes en mal de copies précuites.
Les insultes remplacent les gazouillis, la raison cède le pas au porno des cerveaux.
Dernière révision le 15 août 2024 à 10:33 am GMT+0100 par la rédaction
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