Cette fille d’ouvriers italiens pauvres, qui a connu le travail en usine à 12 ans, rejoint en 1913 à l’âge de 17 ans son père et sa sœur qui ont précédemment émigré en Californie.
Elle y trouve un emploi de couturière et participe à la compagnie théâtrale des immigrés italiens. Elle fait la rencontre de celui qui va devenir son mari le peintre et poète Roubaix de l’Abrie Richey dit Robo.
Le couple s’installe fin 1918 à Los Angeles où, comme elle une jolie jeune femme brune aux yeux noirs, elle pose comme modèle et est actrice dans quelques films muets. Ils font partie de tout un cercle d’avant-garde composé d’artistes, d’anarchistes et d’intellectuels, tous fascinés par l’art, le mysticisme oriental, l’amour libre et la révolution mexicaine. Elle y fait la rencontre du photographe Edward Weston dont elle devient le modèle, l’assistante et la maitresse et avec qui elle va partir pour le Mexique en 1923.
C’est dans ce pays, alors encore en pleine effervescence sociale et culturelle liée à la révolution de 1917, qu’elle va se consacrer entièrement à sa propre photographie.
Quand Weston retourne aux Etats Unis, elle décide de rester à Mexico où elle fréquente déjà le milieu intellectuel et artistique, complice des muralistes dont Diego Rivera qui la représente en combattante habillée d’un chemisier rouge (évidemment) portant une cartouchière dans une de ses fresques. Bien que l’on sente le formalisme westonnien dans son travail, elle se détachera peu à peu de cette influence en développant un style bien plus personnel par le choix de ses sujets et en se consacrant à la dénonciation des inégalités et de l’injustice dont elle est le témoin. Elle photographie les femmes peinant sous leurs charges, les mains des paysans marquées par le labeur, les conditions précaires des travailleurs, la pauvreté urbaine. Produisant des images de plus en plus structurées, son style devient plus allégorique à l’approche des années 30. N’hésitant pas à oser la caricature avec des natures mortes à la faucille et au marteau, s’y manifestent parfois des références esthétiques proches des constructivistes russes que cette communiste convaincue ne pouvait pas ignorer.
Expulsée du Mexique en 1930 du fait de ses activités politiques, elle passe par Berlin puis s’installe à Moscou où elle abandonne la photographie pour se consacrer pleinement au militantisme politique. Oeuvrant pour le Secours Rouge, elle y est très active et est envoyée en Espagne lors de la guerre civile pour organiser l’évacuation d’enfants et d’orphelins de guerre. Obligé de fuir le pays, elle retournera clandestinement au Mexique en 1939 pour s’y éteindre en 1942.
Activiste et femme libre, elle a exprimé dans son travail tout son dévouement pour les déclassés, les sans grade, les gens de peu. Elle aura produit, sur une période très courte allant du milieu des années 20 jusqu’à 1930, un travail remarquable irrigué par la passion et à propos duquel elle a écrit : « La photographie, précisément parce qu’elle ne peut être produite que dans le présent et parce qu’elle se fonde sur ce qui existe objectivement devant l’appareil photo, s’impose comme le moyen le plus satisfaisant d’enregistrer la vie objective sous tous ses aspects, et de là vient sa valeur documentaire. Si à cela s’ajoutent une sensibilité et une compréhension et, surtout, une orientation claire quant à la place qu’elle devrait avoir dans le domaine du développement historique, je crois que le résultat est quelque chose qui mérite une place dans la production sociale, à laquelle nous devrions tous contribuer. »
Exposition « Tina Modotti, l’oeil de la révolution »
Jusqu’au 12 mai 2024 – Jeu de paume Paris – https://jeudepaume.org/
Dernière révision le 23 février 2024 à 10:26 am GMT+0100 par
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