Gardienne de la mémoire familiale, témoignage de moments heureux, de rites sociaux et d’êtres chers, la photo de famille est le garant de la cohésion du groupe et la preuve de notre appartenance à une histoire qui nous est propre et nous réunit.
Mais au gré des événements, cette empreinte sensible, qu’elle soit conservée dans des boites à chaussures, des albums ou sous forme numérique, peut se dégrader voire disparaître. Quand on fuit la misère ou la guerre, on s’encombre de peu et les aléas d’une migration peuvent s’accompagner de la perte de biens matériels. Ou alors un incendie vient brutalement détruire à tout jamais le fragile recueil mémoriel sans oublier d’éventuels héritiers peu soucieux de préserver ce récit du vivre ensemble.
Ce lien brisé peut être alors une souffrance, une sorte de deuil renouvelé de celles et ceux qui ont disparu, un manque à combler. Des artistes, confrontés à ce vide, se sont engagés dans une démarche de recréation destinée à combler l’inacceptable absence et certains se sont emparé de l’intelligence artificielle pour arriver à leurs fins. Nous avons précédemment parlé de l’artiste grecque Maria Mavropoulou qui a ainsi recrée son iconographie familiale manquante. D’autres créateurs d’images et photographes creusent le même sillon avec la même préoccupation dans une approche esthétique différente. C’est le cas du jeune photographe Luca De Jesus Marques qui, dans le cadre de son mémoire de fin d’études à l’école des Gobelins, est parti à la recherche de ses racines et de son identité en reconstituant une généalogie perdue qui mêle la technologie générative d’image et les procédés photographiques anciens.
« la filiation et de l’identité sont des thèmes qui me sont chers, je suis fils de deux immigrés, je suis la première génération dans mes deux familles à naître en France. Je vis depuis toujours avec un sentiment de déracinement, accentué par de nombreux déménagements durant mon enfance. Il existe très peu si ce n’est aucune photo de ma famille avant la génération de mes parents. Cette absence de mémoire familiale a toujours été très pesante pour moi. Je pense qu’il est nécessaire de savoir d’où l’on vient pour savoir réellement qui l’on est. Ce projet est le moyen que j’ai trouvé pour combler un peu ce manque. »
Ayant entrepris des recherches et se retrouvant face à un arbre généalogique quasiment vide de toute représentation photographique, le peu d’informations dont il disposait ne lui permettait pas de mettre une apparence sur les noms de ses ancêtres masculins. Bien qu’ayant conscience que les probabilités de ressemblance physique complète soient minces, il décide de combiner les données récoltées auprès de sa famille (lieu de vie, métier, détails physiques etc.) avec ses propres autoportraits, pour recréer les figures de ses grands-pères, arrières-grands-pères, voire même arrières-arrières-grands-pères. Après de nombreux essais et une fois une image satisfaisante générée, il a fait quelques retouches et tiré le portrait selon le procédé photographique correspondant à l’époque à laquelle il aurait dû être pris, contrebalançant ainsi l’aspect trop lisse de l’image produite par l’IA.
Il poursuit actuellement ce travail pour compléter cette série en réalisant les portraits de ses ancêtres féminines, se basant sur les portraits de sa mère et sa soeur.
Instagram de l’auteur
Ce travail sera exposé
jusqu’au 02 juin 2024 au 104 à Paris dans le cadre du festival Circulation(s)
Dernière révision le 19 avril 2024 à 11:40 am GMT+0100 par la rédaction
- Bastien Ohier
Aux âmes bien nées… - 15 novembre 2024 - Paris Photo
« C’est à voir qu’il nous faut ! » - 8 novembre 2024 - Martine Franck
100 photos pour la liberté de la presse RSF - 8 novembre 2024