Agences de jadis

Atlantic Press
Histoire d’une agence française
au nom bien américain

Publicité dans L’Echo de la Prese et de la Publicité (EPP) 1965

« J’ai fini mon service militaire dans la Marine fin septembre 1962. » se souvient le photographe Hervé Gloaguen qui fut l’un des co-fondateur de l’agence Viva.  « J’ai dû rentrer chez Atlantic Press fin 1962. J’y ai été employé comme tireur au labo le matin. Le reste du temps, après-midi ou soir, le directeur Monsieur Tauber me donnait des reportages à faire. J’ai souvenir d’avoir photographié le cimetière des chiens d’Asnières, Johnny Hallyday à l’Olympia, le danseur Serge Lifar et la compagnie des ballets russes, Igor Moïsseïev sur la tombe de Vaslav Nijinski au Père-Lachaise. Dans le courant 1963 je me suis fait renvoyer d’Atlantic Press après une dispute avec le tenancier Marcel Tauber.[1] »

Hervé Gloaguen, est le seul photographe dont nous avons trouvé la trace., par les hasards d’une conversation. Mis à part le nom de Marcel Tauber, aucun autres noms de photographes n’apparait au dos des tirages  en vente sur Internet.

Atantic Press est une agence de presse [2] fondée par Jean-Louis Chardans, et par Marcel Tauber le  9 octobre 1950 [3]. La société a été radiée du registre du commerce le  16 novembre 1993 [4]. Tout laisse à penser que l’activité avait cessé bien avant, vraisemblablement fin des années 70.

L’agence Atlantic Press a été exploité comme une sarl [5] au capital de 150 000 Francs (491 K€) détenu à 51 % par Jean-Louis Chardans, journaliste et, par ailleurs mari de Josette Chardans qui fut responsable des archives de Gamma puis Sygma.

V Magazine, le premier magazine illustré d’après-guerre

c’est là, à Marseille, que les fondateurs se rencontrent.

Jean-Louis Chardans a collaboré à V Magazine. Ce magazine « sort le 23 septembre 1944 moins d’un mois après la fin des combats à Marseille. Hebdomadaire illustré, il sera le premier du genre de l’après-guerre en France. V pour victoire ! [6]». Le magazine est créé par Max Juvenal, avocat à Aix-en-Provence et résistant sous le nom de Maxence au Mouvement de Libération Nationale (MLN). Jean-Louis Chardans fait partie de la première équipe rédactionnelle. C’est là qu’il rencontre le directeur – rédacteur en chef, Marcel Tauber, correspondant de l’agence Pictorial Press depuis 1944.

Le 25 février 1952, Louis Duchesne, directeur de Presse Service Magazine, mandaté par le Syndicat national des agences de presse (SNAP) constate :

 « l’Agence Atlantic Press emploie un secrétaire en poste fixe payé au mois, un traducteur payé à la pige, quatre reporters photographes tous journalistes professionnels porteurs de la carte et travaillant à la pige. L’agence est installée rue d’Enghien sur deux étages : une grande pièce avec un bureau attenant et à l’étage supérieur le laboratoire photo « dans lequel un tireur également attaché à Voir assure le travail de laboratoire de l’agence. »

Aout 1955 Claudia Cardinale – Photographe inconnu / Atlantic press

Atlantic Press est une agence généraliste qui entretient des relations d’import-export avec des publications anglo-saxonnes sans que nous ayions pu identifier un lien de filiale avec une agence américaine. Elle a des liens avec des agences à l’étranger : Odhams Press (GB), Graphic House (USA), European Pictures Services (USA), Hollywood Press Syndicate (USA), Inter-Photo (Italie).

L’enquêteur du syndicat a pu consulter le bilan financier de l’agence pour 1951 et a constaté que :

 « le chiffre d’affaire était supérieur à 5 000 000 Francs. » Les livres de banques lui ont permis de constater « des encaissements réguliers et nombreux de journaux comme Paris Match, Noir et Blanc, Voir et Regards. En résumé, cette agence qui me parait être conçue à différents titres sous le régime de la plus stricte économie, parait avoir une activité prometteuse et conforme à nos statuts.[7] »

Le chiffre d’affaire de 5 millions de Francs est énorme, et on peut s’interroger sur sa fiabilité. Il correspond à 12 millions d’Euros !

Le 6 décembre 1963, Marcel Tauber porte plainte auprès de Jean de Benedetti, Président de la Fédération Française des Agences de Presse contre l’agence Mondial Press pour concurrence déloyale à l’égard d’Atlantic Press avec le matériel de l’agence anglaise Odhams Press. Il argue quAtlantic Press a fourni aux Editions Mondiales de la maison Del Duca la production d’Odhams Press « depuis treize ans [8]».

Dans l’Annuaire de la presse française et étrangère[9] publié en 1965, le gérant d’Atlantic press  est Emile Barrey et il est précisé que l’agence a des bureaux à New York, Londres, Milan, Sydney, Bruxelles… Le 25 mai 1966 Marcel Tauber se plaint à nouveau à la FFAP que l’hebdomadaire Jours de France « ne veut pas payer plus de 300 Francs (450€) par page et 450 Francs (677€) par couverture [10]».

La société Atlantic Press, qui a déménagé du 18 rue d’Enghien à Paris 10ème arrondissement au 50 rue Etienne Marcel Paris 2ème arrondissement est à nouveau inscrite le 16 janvier 1969 au registre du commerce[11] de Paris pour une raison inconnue.

« En 1980, la Bibliothèque nationale fait l’acquisition du fonds de la succursale parisienne de la société anglo-saxonne Atlantic Press : un ensemble de reportages couvrant les années 1950 à 1980, soit plus de soixante mille négatifs et dix mille planches-contacts et tirages. Le fonds, d’une grande variété, est plus particulièrement axé sur l’actualité anglo-saxonne. [12]»

Dans les traces laissées par Atlantic Press, on trouve de nombreuses épreuves vendues sur Internet avec le double tampon d’Atlantic Press et Austral international Press Agency (Sydney Australie) le plus souvent sans nom de photographe.  Parmi ces épreuves, nous avons noté le reportage n°1390 : Portrait de Jean Cocteau à l’occasion de la décoration de l’église Notre- Dame-de-France à Londres par Jean Cocteau qui y a réalisé une fresque dans la chapelle de la Vierge, entre le 3 et le 11 novembre 1959. Photographe Marcel Tauber. Des portraits anonymes de Max Ernst, de Salvador Dali[13], de Maurice Utrillo, de Kees van Dongen etc.

Notes

  • [1] Hervé Gloaguen, lettre du 16 septembre 2020 à l’auteur.
  • [2] Agrément de la CPPAP de 1962 à 1983
  • [3] Date de création déclarée par Marcel Tauber lors de la demande d’admission au SNAP
  • [4] Date de radiation de la société, mais l’activité a certainement cessé au début des années 1980
  • [5] Registre du commerce n°55B1215
  • [6] Constant Vautravers et Alex Mattalia in Des journaux et des hommes du XVIIIe au XXIe siècle à Marseille et en Provence – Edition Alain Barthélémy 1994
  • [7] Louis Duchesne, rapport d’enquête du 25 février 1952 pour le Syndicat national des agences de presse. Archives FFAP
  • [8] Marcel Tauber, lettre du 6 décembre 1963 au Président de la FFAP. Archives de la FFAP
  • [9] Annuaire de la presse française et étrangère. Volume 79 – p113. Editeur Société d’édition de l’Annuaire de la presse 1965
  • [10] Marcel Tauber, lette à la FFAP. Source : Archives de la FFAP
  • [11] Enregistrée sous le n°582012159
  • [12] Vingtième Siècle – Revue d’histoire 2016/1 (N° 129), pages 157 à 168
  • [13] Collection du Musée Jacquemart-André. Photo à Paris, 1957

Dernière révision le 15 août 2024 à 9;51 par la rédaction

Michel Puech


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