Correspondance de Budapest

Kertész, Capa : ils ne sont pas les seuls…
L’école hongroise de la photographie

John Albok (1894-1982), Dienes Andor (1913-1985) et László Kondor, trois photographes hongrois exilés aux USA à découvrir par tant d’autres de l’école hongroise.

Correspondance de Budapest

Le Musée des Beaux-Arts de Budapest consacre une exposition aux photographes hongrois qui ont fui leur pays au XXème siècle en raison des persécutions pour se réfugier en Europe ou aux Etats-Unis. Certains comme Robert Capa, André Kertész ou László Moholy-Nagy sont devenus célèbres mais d’autres sont passés injustement sous les radars.

« Il ne suffit pas d’avoir du talent pour être un grand photographe.

Vous devez aussi être Hongrois »

C’est, l’ironique phrase de Robert Capa, de son vrai nom Endre Ernő Friedmann, né le 22 octobre 1913 à Budapest et mort le 25 mai 1954 en Indochine. Il n’avait pas tort. Cette citation du « meilleur reporter photographe du monde » est extraite des murs de l’exposition « Les photographes hongrois en Amérique (1914-1989) » qui se tient au musée des Beaux-Arts de Budapest jusqu’au 29 août 2024.

Quelques 170 clichés de trente-deux photographes hongrois – connus, méconnus, voire inconnus – ont été sélectionnées pour cette exposition organisée en coopération avec le Virginia Museum of Fine Arts de Richemond aux Etats-Unis dont le directeur Alex Nyerges a étudié pendant de longues années le travail des photographes hongrois qui ont vécu ou vivent actuellement en Amérique. Plusieurs photos inédites sont également issues de collections privées.

« C’est la première exposition complète de photographes américano-hongrois », pointe László Baán, directeur du musée des Beaux Arts hongrois. Les photos exposées ont toutes été prises en Hongrie, à Berlin, à Paris et aux Etats-Unis entre 1914, début de la Première Guerre mondiale, et 1989, année de la chute du communisme. Une période que les historiens appellent souvent le court vingtième siècle ».

Cet héritage photographique particulièrement riche en talents montre en huit étapes l’influence des émigrés hongrois sur la photographie du XXème siècle. On y retrouve évidemment André Kertész (1894-1985), László Moholy-Nagy (1895-1946), Martin Munkácsi (1896-1963) et Robert Capa, mais aussi plusieurs artistes passés injustement sous les radars de la renommée alors que leurs travaux sont largement à la hauteur de leurs célèbres compatriotes.

Parmi eux, on remarque György Lőrinczy ((1935-1981) qui s’est distingué avec son livre « New York New York » publié en 1972, Arnold S. Eagle (1909-1992), photographe de rue engagé dans les mouvements sociaux à New York, János Albók/John Albok (1894-1982), ancien tailleur immigré à Manhattan en 1921 qui a documenté des scènes de rue à New York pendant la Grande Dépression, Dienes Andor (1913-1985), connu sous le nom d’André de Dienes, qui fut révélé par les premières photos de la pin-up Norma Jeane devenu Marylin Monroe, ou László Kondor, né en 1941, qui a documenté la guerre du Vietnam entre 1969-1971 et photographié les émeutes qui ont suivi l’assassinat de Martin Luther King.

Au fil de la visite, tous ces photographes immigrés nous font déambuler dans les hauts et bas lieux américains souvent emblématiques de New York à Hollywood en passant par Chicago. On constate surtout leur influence sur le photojournalisme, la photographie de mode ou la publicité  et comment ils ont révolutionné la photographie moderne à travers des techniques radicales et expérimentales. Henri Cartier Bresson ou Richard Avedon n’ont pas caché l’influence de ces photographes venus de l’Est biberonnés au modernisme et au surréalisme ou sortis tout droit du Bauhaus, refuge allemand de l’avant-garde artistique dans les années trente.

Évidemment, toutes les photos de l’exposition ne se valent pas mais elles prennent toute leur importance historique lorsqu’on les replace dans les tempêtes de l’histoire de ce XXème siècle dévasté par les révolutions, les persécutions, la misère, la guerre, l’Holocauste, la montée de l’antisémitisme et du nationalisme. Malheureusement – et c’est le seul reproche que l’on peut faire à cette exposition – on regrettera l’absence de contextualisation autour des photos qui aurait permis aux jeunes générations de comprendre pourquoi tant de photographes ont choisi de fuir la Hongrie.

 

American, born Hungary: Kertész, Capa, and the Hungarian American Photographic Legacy

Museum of Fine Arts Budapest – Dózsa György út 41, 1146 Hungary

Nyitólap

Après Budapest, l’exposition sera présentée au Virginia Museum of Fine Arts (VMFA) du 5 octobre 2024 au 26 janvier 2025, puis au George Eastman Museum de Rochester à New York du 26 septembre 2025 au 1er mars 2026.

 

 Dernière révision le 21 juin 2024 à 6;19 par la rédaction

Daniel Psenny


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