Expositions

Visa pour l’image
36e édition du festival international de photojournalisme

Sur les hauteurs de la capitale, quatorze personnes ont été abattues durant la nuit. Ces deux jeunes jouaient aux cartes malgré le couvre-feu de 22 heures. C’est le lancement, dans cette partie de la ville, d’une série d’actes criminels commis par un gang pour semer la terreur parmi la population. Pétion-Ville, Haïti, 18 mars 2024.
Photographie © Corentin Fohlen / Divergence pour Paris Match

Chaque année la France voit fleurir une kyrielle de festivals de photographie, des petits, des grands, des généralistes ou des spécialisés, drainant un nombre important de visiteurs. La saison estivale se clôture avec, en particulier, une manifestation indispensable pour toutes celles et ceux qui s’intéressent à la marche du monde, le Festival international du photojournalisme, Visa pour l’image, hébergé depuis toujours dans la ville de Perpignan. L’Œil de l’info sera à Visa pour la semaine professionnelle. Retrouvons nous.

Encore une fois, le programme des nombreuses expositions qui y seront présentées est particulièrement remarquable affichant un large panorama du travail des photojournalistes qui courageusement témoignent de l’état et des événements de notre planète. S’l s’agit d’un hommage à ces photographes, le directeur Jean-François Leroy a tenu dans un éditorial à éclairer une autre profession bien moins souvent à l’affiche mais néanmoins indispensable.

« L’augmentation délirante de photographes, ou du moins de personnes qui prétendent l’être, a un nouveau corollaire : la disparition des directeurs de la photographie. C’est avec une tristesse teintée de nostalgie que nous avons ainsi appris le départ à la retraite de Kathy Ryan après 39 ans passés au New York Times Magazine. Sans doute sera-t-elle remplacée, mais de plus en plus de médias décident de supprimer ces postes ou de les confier à des novices. L’occasion pour Visa pour l’image de rendre hommage à ces personnes trop souvent oubliées mais ô combien indispensables au maintien de la qualité éditoriale d’un journal. De notre profession. Combien d’expositions et de projections devons-nous au coup de fil de l’un de ces directeurs, enthousiasmé par un travail qu’il a produit ou repéré ? Combien de milliers d’euros ont-ils réussi à préserver pour les services iconographiques lors des sauvages coupes budgétaires? Combien de couvertures mythiques ont été possibles grâce à l’audace, le flair et la créativité de ces professionnels qui savent qu’un bon titre résonnera encore plus avec la bonne photo ?

La plupart des directeurs photo sont pourtant méconnus du grand public et même, parfois, des photographes eux-mêmes. C’est regrettable. Derrière la tragique mais puissante photographie de Mohammad Salem qui vient de remporter le World Press Photo, il y a une talentueuse équipe emmenée par Rickey Rogers (Reuters) qui a su repérer cette image sur laquelle tout le monde s’arrête au milieu d’un flux incessant.

À l’heure où l’accès aux zones de conflits est de plus en plus restreint, le talent d’un vrai directeur de la photographie est d’autant plus nécessaire. Devant une uniformisation de la production noyée sous la multitude, face aux nouvelles plateformes où une image chasse l’autre, comment raconter différemment une histoire et capter l’attention d’un public toujours plus sollicité ? À Visa pour l’Image, nous continuerons, au sein de nos jurys et ailleurs, à défendre le travail de ces femmes et hommes de l’ombre dont l’œil façonne notre rapport au monde. »

Parmi les vingt-cinq expositions qui seront proposées cette année, même si elles sont toutes d’un très grand intérêt, on peut retenir les suivantes:

Venice, Californie, Karen Ballard

Un campement sur la plage à  l’automne 2020, pendant le confinement, Venice Beach a vu de nombreux sans-abri planter leurs tentes le long de la célèbre promenade. © Karen Ballard.

Un portrait du quartier mythique et décalé de Los Angeles, longtemps connu comme un paradis bohème, un vivier artistique et une plage publique, un lieu où l’esthétisme, le surf, la richesse et les dures réalités de l’Amérique du XXIe siècle coexistent. Au cours de la dernière décennie, la légendaire Venice (alias Venice Beach) a lentement évolué, d’un passé riche en histoires à un présent coloré, complexe et moderne

Le site de Karen Ballard

 

Un monde dans la tourmente, Paula Bronstein / Getty Images

Un cimetière de voitures abandonnées après l’occupation russe de Boutcha et d’Irpin. Périphérie de Kiev, Ukraine, 8 mai 2022.
A cemetery of cars left after the Russian occupation of Bucha and Irpin. Near Kyiv, Ukraine, May 8, 2022.
© Paula Bronstein / Getty Images

Le monde du photojournalisme a connu de profonds changements durant la carrière de Paula Bronstein qui couvre quatre décennies. Aujourd’hui âgée de 70 ans, son engagement à raconter les histoires des gens reste le même que dans les années 1980. Elle a été témoin des horreurs de la guerre et de la dévastation des catastrophes naturelles. Dans des pays ravagés par la guerre comme l’Ukraine et l’Afghanistan, son travail met en lumière la résilience, le courage et l’espoir de ceux qui ont tant perdu.

Le site de Paula Bronstein

 

Les deux murs, Alejandro Cegarra / The New York Times / Bloomberg

Un migrant sur un train de marchandises appelé « La Bête » à son arrivée en ville. Piedras Negras, Mexique, 8 octobre 2023.
A migrant on top of a freight train known as “The Beast” as it reaches the city. Piedras Negras, Mexico, October 8, 2023.
© Alejandro Cegarra. Les politiques migratoires du Mexique ont radicalement changé. Nation historiquement ouverte aux migrants et demandeurs d’asile à sa frontière sud, le Mexique applique désormais des mesures d’immigration draconiennes. La collaboration entre les États-Unis et le Mexique pour refuser l’asile et limiter la migration a créé de nouveaux obstacles. Qu’elles soient physiques, psychologiques ou administratives, des barrières ont été dressées pour durcir les politiques migratoires, fermant des portes autrefois ouvertes à ceux qui en ont le plus besoin.

Le site d’Alejandro Cegarra

 

Haïti: le pouvoir des gangs, Corentin Fohlen / Divergence pour Paris Match

Dans le quartier de Bel-Air, manifestation de la coalition de gangs « Viv Ansanm ». La marche s’est arrêtée aux frontières du quartier, non loin du Palais national. Après des tirs de la police, des membres d’un gang ripostent. Port-au-Prince, Haïti, 19 mars 2024.
© Corentin Fohlen / Divergence pour Paris Match
During a march by the coalition of gangs named “Viv Ansanm” [Living together] that stopped at the edge of the Bel-Air neighborhood near the National Palace (previously the official residence of the president). The police opened fire, and gang members responded. Port-au-Prince, Haiti, March 19, 2024. © Corentin Fohlen / Divergence for Paris Match
Depuis la vague de manifestations de 2019, les crises se succèdent en Haïti. Après l’assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse, les gangs s’imposent en maîtres dans Port-au-Prince. En février 2024, une coalition de gangs menée par Jimmy Chérizier se forme pour évincer le Premier ministre Ariel Henry, considéré comme illégitime, qui accepte de démissionner le 11 mars. Le pays est laissé entre les mains des gangs qui lancent des offensives contre les institutions et la police nationale.

Le site de Corentin Fohlen

 

Grandir dans la cour d’écrans, Jérôme Gence

Des adolescents montrent les applications installées sur leurs smartphones. Aujourd’hui, les applications de jeux vidéo, de réseaux sociaux et de vidéos en ligne régissent le quotidien des jeunes Français aussi bien dans leur intimité que dans leurs relations aux autres. Des smartphones qui sont devenus leur journal intime, leur compagnon, leur boîte à souvenirs et potentiellement leur pire ennemi.
Teenagers showing their apps. Social media and video games dominate the lives of young people, invading their private life and personal relationships. Smartphones can be their diary, best friend, and a record of the past, or maybe their worst enemy.
© Jérôme Gence

Depuis la crise sanitaire de 2020, le temps d’écran quotidien des enfants a explosé. La généralisation du télétravail et des cours en ligne, la numérisation des rapports humains et des divertissements en sont les principales causes. Pour ces jeunes ultra-connectés, cette évolution n’est pas sans conséquence sur leur santé, leur développement psychique et leur sécurité face notamment aux risques de cyberharcèlement et de mauvaises rencontres.

Le site de Jerome Gence

 

La vie sous les talibans 2.0, Afshin Ismaeli / Aftenposten

Des combattants talibans perchés sur un hélicoptère américain. Province du Panchir, Afghanistan, 20 septembre 2021.
Taliban fighters perched on an American helicopter. Panjshir province, Afghanistan, September 20, 2021.
© Afshin Ismaeli / Aftenposten

Vingt ans après avoir été chassés du pouvoir, les talibans ont repris le contrôle de Kaboul et règnent à nouveau sur l’Afghanistan. Afshin Ismaeli met en lumière différentes facettes de la coexistence entre la population et les combattants talibans depuis leur retour. Ses images illustrent les défis du quotidien et soulignent le courage et la résistance du peuple afghan dont les espoirs d’un avenir meilleur survivent malgré tout.

Le site de Afshin Ismaeli

Les expositions seront complétées, outre les nombreux prix et bourses, par 6 soirées de projection, des rencontres avec des photographes, des lectures de portfolios, des conférences, des projections de documentaires, la présence de deux librairies et d’un espace de la société Canon.

Festival international de photojournalisme, Visa pour l’image,  Perpignan
du 31 août au 15 septembre 2024
Site officiel du festival

 Dernière révision le 23 août 2024 à 9;14 par la rédaction

Gilles Courtinat


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