De la gazette de Saint-Pourçain-sur-Sioule au Wall Street Journal, du site du Monde au blog du cousin Jean-Claude, de la newsletter financière au moindre bulletin municipal, tout le monde a quelque chose à raconter à propos de l’intelligence artificielle.
C’est un tsunami d’articles, d’enquêtes, d’éditos, de post, d’interviews, de points de vue où on pose des questions et on affirme des choses. Est-ce la fin de l’Humanité ? Le meilleur chatbot pour la recette de la tartiflette. Elon Musk est-il un reptilien? L’UE légifère sur l’IA. Bientôt des greffes de tête grâce à l’IA et un robot spécialisé en micro-chirurgie ? GPT-4 défie les analystes financiers à leur propre jeu ! Etc.
Mais l’affaire se complique très sérieusement quand il faut illustrer le sujet et là ça dérape sérieux. Paresse intellectuelle, manque d’intérêt pour l’iconographie, méconnaissance de la communication par l’image, les causes sont plurielles mais bien existantes.
« Heu, c’est quoi l’intelligence Kevin ? »
Dans la très grande majorité, le résultat tient en très peu de mots : bleu, symboles informatiques, cerveau humain, robot, un et zéro, métaphore michelangelesque et le tour est joué. La plupart de ces visuels viennent de banques d’images où on ne peut pas dire que la créativité et la diversité soient au rendez-vous. Nous voilà bombardé de clichés absurdes et trompeurs où pullulent les robots humanoïdes et les lignes de code dans des atmosphères azuréennes hégémoniques.
Ces représentations ne sont pas neutres sur notre compréhension de l’IA et contribue à générer fantasmes et peurs qui polluent la réflexion. Ces stéréotypes, médiocrement inspirés de la science-fiction, utilisant l’anthropomorphisme à foison, induisent l’idée que cette technologie a une conscience comme les humains mais dissimule les conséquences sociales, économiques et éthiques de la réalité. Certes, le thème est difficile à illustrer mis ce n’est pas une raison pour céder à une facilité bien commode à défaut d’être pertinente. Rajoutons une prédominance masculine chez les androïdes campés dont la couleur systématiquement blanche est quand même bien différente de celles et ceux qui, chargés pour des sommes ridicules d’étiqueter ou modérer les contenus, constituent au Kenya ou en Inde le lumpen prolétariat invisible de l’IA.
Et pourquoi pas l’IA générative d’image elle-même ?
Solution en apparente séduisante mais risquée car elle même se nourrit des mêmes biais déjà existants et ne pourrait, de facto, que reproduire ad nauseam les mêmes divagations.
Il est donc plus que temps que les représentations visuelles de l’IA sortent de l’impasse et puissent contribuer à une meilleure réflexion et compréhension des enjeux et des promesses qui sont en jeu. Cependant, quelques alternatives ont vu le jour. Citons, par exemple, l’ONG britannique Better Images of AI qui s’est attelée au problème en sollicitant les artistes pour proposer bénévolement des solutions d’illustrations plus pertinentes. Bien qu’encore limitée, c’est une initiative louable dont on peut souhaiter qu’elle fasse des émules pour le plus grand profit de notre propre intelligence.
Better Images of AI publie un guide des bonnes pratiques téléchargeableDernière révision le 7 juin 2024 à 3:28 pm GMT+0100 par la rédaction
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