Hiroko Aihara, une journaliste freelance qui diffuse ses informations sous le nom de Japan News Perspective, est lauréate du Prix de la liberté de la presse décerné par le Foreign correspondants club of Japan (FCCJ) remis le 24 mai 2024 à Tokyo. Pierre Boutier l’a interviewé pour L’œil de l’info.
Correspondance de Tokyo
Hiroko Aihara est une journaliste japonaise qui enquête depuis des années auprès des victimes de la catastrophe nucléaire de Fukushima et depuis peu, sur celles du tremblement de terre de Noto de janvier de cette année. Ce travail au long cours a été salué par les différentes organisations de liberté de la presse dont Jodie Ginsberg du Committee to Protect Journalists (CPJ) partenaire du FCCJ.
A cette occasion, Jodie Ginsberg a précisée que :
« l’année 2023 a été noire pour toute la profession, 990 confrères ont perdu la vie pendant leur travail et la plupart des journalistes emprisonnés le sont en Asie au Vietnam, au Myanmar et en Chine qui est parmi les pires endroits du monde pour la liberté de la presse. »
Lors de l’interview accordée à L’oeil de l’info, Hiroko Aihara nous a confié que selon son expérience « le Japon ne permet pas une véritable liberté de la presse. Elle en veut pour preuve « la difficulté à faire émerger les histoires des populations aux prises avec des catastrophes parmi les plus importantes de ce siècle. »
J’ai rencontré Hiroko Aihara et occasionnellement travailler avec elle. Je suis témoin que ses affirmations sont exactes et vérifiables ; là, ou en Occident, les victimes se montrent et affirment leurs souffrances, au Japon les victimes sont généralement vues comme des personnes gênantes, qui dérangent la bonne marche économique de la société.
La journaliste qui met son travail « au service des populations locales, que ce soit les évacués ou les malades de la catastrophe nucléaire de Fukushima » raconte dans ses reportages les difficultés auxquels toutes font face. Pour les populations évacuées et les malades la plus grande difficulté est de s’exprimer librement et sans craintes car l’ostracisme demeure.
« Concernant l’ostracisme il existe même en ligne, quand les évacués de Fukushima se confient sur les réseaux sociaux, ils font face à des commentaires désobligeants et certains entrent en dépression. »
Hiroko Aihara précise :
« les médias traditionnels ne reportent pas assez la parole des victimes car leurs recettes dépendent des publicités des entreprises japonaises. »
En tant que journaliste Hiroko Aihara raconte avoir « fait face à des armées de trolls ; mais, j’ai réussi à me protéger » ajoute-t-elle.
Elle évoque également la loi sur les secrets spéciaux qui pourraient devenir une menace pour les journalistes. Elle nous confie ne pas avoir encore rencontrer de pressions mais que « si un collègue devait subir des pressions, je serais solidaire. »
Le travail de Hiroko Aihara est diffusé dans plusieurs médias : Fujin no Tomo, Shukan Kinyobi, Weekly Friday, Big Issue Japan, Noto, Quarterly magazine.
L’album de Reporter sans frontières (RSF) pour la liberté de la presse 2024 est aussi l’occasion de rappeler que le Japon démocratique et libéral ne figure selon le classement de l’association RSF qu’au soixante dixième rang en terme de liberté de la presse.
Selon l’évaluation de Reporter sans frontières, la loi sur la sécurité d’état qui a été adoptée en 2023 condamne en théorie tout lanceur d’alerte à 10 ans de prison, tout journaliste qui obtient des informations de manière illégale à la même peine, ou l’approche de sites sensibles comme des centrales nucléaires et des bases militaires.
RSF rappelle également que Yasumi Iwakami, un journaliste du media indépendant Web Journal, a pu être condamné à une forte amende (2700 euros) pour le partage d’un message sur un réseau social.
Lien de la Cérémonie de la remise du prix de la liberté de la presse des correspondants étrangers
Dernière révision le 15 juillet 2024 à 9:59 am GMT+0100 par la rédaction