Inspiré du livre du même nom réalisé dans les années 60 par le photographe Danny Lyon, le film « The Bikeriders » est une plongée dans l’univers d’un club de motards du Midwest américain qui conduisaient des Harley, buvaient des bières, ne parlaient que de gros cubes et formaient une communauté à part traversée par la violence et la solidarité.
« The Bikeriders » est un film de Jeff Nichols qui raconte l’histoire des Vandals, un club de motards américain dans les années 60/70 et propose une exploration fascinante des dynamiques internes du gang et des luttes personnelles de ses membres. Servie par des acteurs impeccables (Tom Hardy, Austin Butler, Jodie Comer, Michael Shannon), l’intrigue est inspirée du livre de photographies et des interviews que réalisa Danny Lyon sur les Chicago Outlaws, des prolos du Midwest qui conduisaient des Harley, buvaient des bières, ne parlaient que de gros cubes et formaient une communauté à part.
Marchant dans les pas du journaliste et écrivain Hunter S. Thompson, qui frayait déjà avec les Hell’s Angels, Danny Lyon rejoint le club de Chicago au milieu des années 60 et documente la vie de ses membres. Influencé par le livre « On the road » de Jack Kerouac, sorti dix ans plus tôt, le photographe était lui aussi parti sur la route en auto-stop à la fin de ses études et avait commencé à photographier le mouvement des droits civiques. De retour à Chicago en 1964, motard lui-même pilotant une TR6 Trophy Triumph, il rencontre le Chicago Outlaw Motorcycle Club et en devient un membre à part entière. Il décide alors de s’intéresser à cette bande de marginaux de la route dont les prédécesseurs étaient apparus à la sortie de la seconde guerre mondiale à l’initiative d’anciens combattants qui avaient du mal à se réintégrer dans la vie civile particulièrement corsetée à l’époque. Leur style de vie reflétait la mise en danger et la camaraderie qu’ils avaient connu au combat et ils se revendiquaient « un pour cent » en référence à une déclaration qui avait affirmé que 99% des motards étaient de bons américains respectueux de la loi et l’ordre. Leur crédo : liberté , solidarité mais aussi violence et tragédie.
Bien introduit dans le groupe, participant à toutes leurs activités, Lyon réalisera de nombreuses images en immersion ainsi que des entretiens avec différents motards et plus particulièrement avec une femme, Kathy Bauer, qui ne conduisait pas de bécane mais était mariée à Benny l’un des membres du gang. Elle lui racontera: « Je n’ai eu que des ennuis depuis que j’ai épousé Benny. J’ai vu plein de prisons, je suis allé dans plein de tribunaux et j’ai rencontré plein d’avocats, et cela en seulement un an. C’est pas long pour que tant de choses se produisent (…) Benny pense que quand on meurt, on est mieux loti que quand on vit. Vous savez, comme lorsque son père est mort, il a dit : « C’est aussi bien, il est mieux ainsi. »
On dénombre aujourd’hui plus de 300 clubs de motards aux Etats-Unis qualifiés, selon le ministère de la Justice US, d’organisations que les membres utilisent pour des entreprises criminelles. Les vrais Outlaws, qui existent encore, comptent quelque 1 700 membres répartis dans plus de 100 sections à travers le monde. Le club s’est livré à des activités criminelles telles que : incendies, agressions, utilisation d’explosifs, extorsion, fraude, homicide, intimidation, enlèvement, blanchiment d’argent, prostitution, vol qualifié, possession illégale d’armes, trafic de drogue. Ils sont dénommés les Vandals dans la version cinématographique, ce qui était nettement plus prudent car on ne touche pas impunément aux couleurs du club.
Le travail de Danny Lyon, fait d’images puissantes et de témoignages sans fard, deviendra le livre The Bikeriders publié en 1968 et bénéficie depuis d’une grande notoriété. Le film est basé sur ses entretiens qui tissent le fil conducteur de la narration et le réalisateur n’a pas hésité à calquer un certain nombre de scènes sur des photos prises par Lyon. Les scènes de moto sont filmées au cœur de l’action rendant bien l’esthétique brute et poussiéreuse des années 60, impression renforcée des jeux d’ombre et de lumière qui reflète bien l’atmosphère sombre et parfois dramatique du récit. Sans oublier la bande-son composée principalement de morceaux rock des années 60 et du grondement de moteur caractéristique des Harley, contribuant à l’ambiance rebelle et nostalgique du film, tout en renforçant les moments de tension et d’émotion.
Le site de Danny Lyon (où on peut entendre le témoignage de Kathy)
Dernière révision le 21 juillet 2024 à 12:06 pm GMT+0100 par la rédaction
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