La dernière œuvre du photographe Gérard Rancinan méritait plus qu’un détour : une visite au Musée des Beaux-Arts de Chartres qui accueille jusqu’au 14 juillet 2024 son dernier tableau, bien nommé « Le Déluge », s’imposait. Et ce fut également l’occasion de passer une journée avec l’artiste.
Avant de rejoindre le Musée des Beaux-Arts de Chartres, il est dix heures du matin ce mercredi 3 juillet quand il m’accueille dans son studio d’Ivry-sur-Seine, dans le sud de Paris.
Comme simple introduction visuelle, plusieurs de ses œuvres magistralement exposés : « Le Festin des miettes », les « Batman family », la « Scène de marché » et « Le radeau des illusion » retracent le parcours exceptionnel du jeune reporter à l’agence Sygma devenu un des photographes les plus créatifs de sa génération ; un Delacroix, un Le Caravage d’une photographie jusque-là insoupçonnée !
En novembre 2016, déjà, sur ses terres natales, dans la base sous-marine de Bordeaux, son exposition « la Probabilité du miracle », avec sa complice de toujours Caroline Gaudriault, calligraphe et autrice hors-pair, faisait la démonstration de « cette longue conversation ininterrompue entre la photographie et l’écrit pour permettre aux riches obsessions de Gérard Rancinan de faire surface et souligner « la rudesse du présent et l’incertitude du futur »
Une fréquentation quotidienne de 100 à 200 visiteurs par jour au Musée des Beaux-Arts de Chartres témoigne du constat de l’auteur devant la taille géante de son « Déluge » en chantier imaginaire depuis 2023.
Entre larmes de circonstance sur ce radeau de la survie, et gestes de compassion, de détresse, de désespoir mêlé, toutes couleurs de peau confondues, pour éviter toute dénonciation « immigrationiste » pour autant, Gérard Rancinan souligne combien cette peinture gigantesque renouvelle la question récurrente que se pose l’homme en général et le photographe en particulier : « quel sens à donner son existence ? »
« Une poésie qui raconte notre époque »
Face aux visages des 34 figurants, les plus expressifs qui soient, dans une composition extrêmement pointilleuse maîtrisée au geste près, grand maître reconnu depuis des années de la photographie plasticienne, Gérard Rancinan conjugue humilité et culte bien-nommé d’un humanisme en ces lieux chargés d’Histoire au point me de l’entendre dire :
« j’ai chuchoté à l’oreille de Dieu, pactisé avec le diable, vu des vainqueurs et des vaincus, des paradis investis, des égos boursouflés, les poubelles de Sœur Emmanuelle, le spectacle du monde dans toute sa splendeur… »
Il le confirme dans une interview télévisuelle sur FR3 : « Mon travail est d’être le témoin éveillé des bouleversements humains qui parcourent notre monde, un travail poétique, politique mais jamais politicien. Je me nourris de ce que je vois ce que j’entends. » Et le précise dans un texte écrit pour L’œil de l’info :
« Après le « Radeau des Illusions », « Décadence », « Press Power, « Riots », « le Déluge » je me suis attelé à une œuvre photographique à la fois poétique et politique qui transporte du fin fond de l’histoire de l’art vers le réel de notre monde contemporain. J’ai voulu que cette photographie soit un cri d’alerte mais aussi une prise de conscience des dangers qui nous guettent si nous ne faisons rien face au bouleversement climatique et à la montée des eaux des océans et ceci loin des discours trop anxiogènes des associations ou des politiques qui se servent de ces causes à leurs seuls avantages… c’est le rôle du photographe, de l’artiste d’être le témoin éveillé de son époque et de ses soubresauts ! »
Sa complice de toujours orfèvre des incontournables calligraphies qui enrichissent chacune des expositions, Caroline Gaudriault qui confirme avoir toujours besoin de « créer des métamorphoses, une poésie qui raconte notre époque avec ses contradictions ses illusions parfois austères, avec le besoin d’accompagner nos contemporains face à tous ces bouleversements climatiques et inondations qui menacent ».
A un éminent confrère, qui tout en reconnaissant l’immense contribution de Gérard Rancinan au succès de la photographie plasticienne, lui reprochait un excès de grandiloquence, il me fut facile de lui répondre : dans l’art de la provocation esthétique pour nous éviter d’être indifférents à la gravité des chambardements de notre planète en permanente (r)évolutions – nul ne pouvait contester la palme d’or de Gérard Rancinan pour avoir fait de la photographie – dans le monde de l’Art – le plus noble outil qui soit pour nous émerveiller et nous maintenir en état de vigilance et de solidarité .
Exposition
« Le Déluge »
Photographie sous Diasec 235 x380 cm exposée avec le livre géant de Caroline Gaudriault « Le Déluge » au Musée des Beaux-arts de Chartres du 22 juin au 14 juillet 2024
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