L’artiste Aurélien Meimaris travaille principalement dans les domaines de la photographie, de la vidéo, et de la collecte d’images. Son travail explore les limites de notre perception de la réalité et les façons dont l’image et les récits influencent notre expérience du monde.Il développe une réflexion sur le caractère fragmenté de notre accès à la réalité, souvent manipulé par divers filtres sociaux, médiatiques et technologiques.
La création protéiforme d’Aurélien Meimaris est une réflexion sur le caractère incomplet et indirect de notre expérience du réel par le détournement des médiums, des mises en abime, la capture d’écran de jeux vidéo, la collecte d’images. Il explore les frontières et les porosités entre différents registres et niveaux de réalités. Devant chaque image, le spectateur est amené à exercer une interprétation à plusieurs degrés, à établir des connexions hypertextuelles et à s’interroger sur la nature de ce qui lui est donné à voir.
Très logiquement, il s’est emparé de l’intelligence artificielle générative d’image pour créer deux séries particulièrement intéressantes: Reproduction et Ruines. Pour la première, qui a été réalisée à partir d’une de ses photographies, il explique
« Après avoir importé ma photographie « Le Spectacle; Le Ministre (la cohue) » dans le logiciel Midjourney, j’ai donné à ce dernier des indications textuelles (prompts) sur les éléments à modifier ou à ajouter. Cela me permettait de conserver une cohérence esthétique (étalonnage, lumière, ambiance, décors, personnages, photo-réalisme…) tout en ajoutant des éléments absurdes et surréalistes aux nouvelles images. Environ mille images ont été générées. Après un travail de tri et de montage, je présente ici 24 images. J’ai donc créé une série à partir d’une seule photographie. Voici un essai de création d’œuvre d’art à l’époque de son bouturage numérique. Ces images évoquent la reproduction inlassable des événements ritualisés et spectaculaires dans lesquels le pouvoir se met en scène quotidiennement. Est-ce la visite du ministre qui compte en tant que telle ou est-ce sa représentation, l’information résiduelle de l’événement ? Tels des photocopieurs automatisés, ces journalistes génèrent encore et encore la même image. Ces personnages et leurs équipements semblent se multiplier, au rythme de leurs déclenchements et enregistrements. Leur accumulation finit par former un amas infranchissable s’effondrant sur lui même. Partir d’une image originelle pour en obtenir une nouvelle par la copie, la réinterprétation, la distorsion, la dégradation ou l’augmentation. Ces séries rejouent la répétition, l’érosion et la mutation progressive du message au sein d’une chaîne d’intermédiaires qui nous éloigne de la réalité. Cette approche évoque notre rapport médiatisé aux faits, déterminé par une production et une consommation outrancière de discours. Elle cible également notre crédulité face à des images qui obtiennent peu à peu une vie propre et autonome, délestées de tout référent, de tout ancrage au réel. Si la copie du réel est une image, la copie d’une image a un statut plus fluide, abstrait et incertain. »
PourRuines, un travail plus récent, il a utilisé à nouveau la même technologie en se demandant pourquoi certaines villes étaient elles condamnées à être imaginées et représentées détruites.
« Ces images ont été généré avec le programme d’Intelligence Artificielle Midjourney. Je lui ai donné sous forme de prompt et sans indication supplémentaire, le nom de plusieurs villes. Ces dernières sont entre-autre connues pour avoir été les théâtres d’affrontements militaires importants. Après avoir généré cent images par lieu, afin de révéler des tendances, j’ai sélectionné pour chacun une dizaine d’images les plus représentatives ou, à l’inverse, les quelques unes qui se démarquaient. Sans que je ne lui demande, le programme les représente souvent – la plupart du temps systématiquement – en ruine.
Ces images sont terribles, d’abord dans ce qu’elles tentent de représenter. Puis dans le fait qu’elles ne sont précisément que de vaines tentatives de montrer ce qui est pourtant leur sujet. Elles témoignent plus de la distanciation face à l’événement que de l’événement lui même. Elles ne le montre pas mais en donne des illustrations probables, des réminiscences virtuelles, des abstractions lointaines. J’ai beau généré des dizaines et des dizaines d’images, jusqu’à l’épuisement et l’absurde, le résultat est toujours éloigné de la vérité de l’horreur. Il frôle cependant l’horreur de la vérité en adoptant ses contours les plus stéréotypés.»
« Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation. » (La Société du Spectacle, Guy Debord, 1967)
Le site d’Aurélien Meimaris
- Hassan Ragab
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