- Yan Morvan (1954 – 2024)
Sa « bestiole qui couine »
par Pascal Kober - 27 septembre 2024
Pascal Kober, photographe, journaliste, renifleur du temps, membre de la rédaction de L’Œil de l’info, a rencontré Yan, il y a plus de trente ans pour le magazine Grands Reportages. Il republie ici deux extraits de cet entretien.
Yan Morvan : « Ma bestiole qui couine »
« En voyage, j’emporte systématiquement une Maglite, un couteau suisse et un gri-gri qui me suit depuis que j’ai échappé de peu à un accident en moto. Un petit panda en caoutchouc qui couine quand on le presse et qui est toujours au fond de ma sacoche photo depuis seize ans maintenant. Ce truc n’a pas seulement une valeur sentimentale. C’est aussi mon assistant. À l’étranger, quand je ne parle pas la langue, il me sert à dérider l’atmosphère. Je l’utilise souvent lorsque je rencontre des enfants ou même avec des gens très sérieux. Ça les décontracte. C’est aussi une manière de prendre du recul dans mon activité de reporter, de témoigner d’un peu d’humour. Quand je fais couiner ma bestiole, surtout dans les pays pauvres où la photo est toujours empreinte d’une certaine solennité, ça fait rigoler tout le monde. Je quitte alors mon costume d’occidental nanti pour un instant de tendresse. »
Yan Morvan : « Le voyage ne peut se vivre qu’en grand format »
« Mon œil a été éduqué par les grandes images des explorateurs du début du siècle. Elles m’ont apporté une ouverture sur la planète. En voyage, j’emploie donc de plus en plus la chambre 4 X 5”. Je pars très léger pour me déplacer facilement : une Linhof Technika, quatre châssis, un dos Polaroid et deux optiques. Là, je n’ai droit qu’à deux photos par sujet. Mais j’aime cette situation sur le fil du rasoir, avec le sable qui entre dans le soufflet, les châssis pas vraiment étanches, etc. Cette part du hasard est excitante. En grand format, mes images sont plus solennelles, plus fortes. Aller vers les autres, redécouvrir des continents oubliés, montrer des paysages ou des personnages mis en scène, c’est un vrai travail photojournalistique. Dans un monde qui va très vite, où les hommes ont de moins en moins d’importance, ça fait du bien de s’arrêter un peu et de réaliser des portraits chargés de sens. »