Les photographies de PJ Reptilehouse explorent le domaine de la lumière et de l’obscurité, jouant sur le figuratif et l’abstrait, la simplicité et la complexité. Capturant la forme humaine à l’aide de lumières stroboscopiques personnalisées et en constante évolution, PJ crée des images kaléidoscopiques uniques.
Né en Ontario, au Canada, en 1963, PJ Reptilehouse a exploré la musique, l’électronique et la photographie dès son enfance. Diplômé en musique de l’Université de Guelph, il déménage en 1989 à Oakland, en Californie, pour y passer une maîtrise en musique électronique. Une dizaine d’années plus tard, il tire parti des avancées dans la technologie LED (diodes électroluminescentes), une source lumineuse riche en possibilités nouvelles. Ayant construit une lampe stroboscopique à LED dans un tout autre but, PJ commence à « jouer » avec. Il imite la chronophotographie classique de Muybridge et Marey, puis la photographie stroboscopique de Harold Edgerton. Mais ce n’est là qu’un point de départ pour l’évolution de sa pratique. En construisant ses propres lumières stroboscopiques et en les synchronisant avec des caméras motorisées (un dispositif qu’il appelle le « Strobo-Dingus»), il commence à produire des images complexes et singulières utilisant la forme humaine. Le mouvement est crucial dans son œuvre. La caméra bouge et, souvent, le modèle aussi, faisant des gestes coordonnés parfois subtils ou compliqués. Les images sont capturées lors de longues expositions, ce qui rend chacune d’entre elles unique. Aucune n’est retouchée avec un logiciel d’édition photo. Malgré la maîtrise qu’autorise cette technique, le hasard joue toujours un grand rôle et soutient PJ dans son inspiration.
« C’est un projet de photographie que j’ai développé, ou peut-être devrais-je dire qu’il s’est développé tout seul à partir d’autres projets. Il y a quelques années, un ami m’a demandé si je pouvais faire un stroboscope à LED pour une démonstration scientifique. J’ai trouvé que c’était une belle idée. Les LEDs sont bon marché et faciles à utiliser et, contrairement aux tubes stroboscopiques traditionnels, elles utilisent des tensions basses et constantes. J’ai construit plusieurs appareils, y compris une lampe de poche stroboscopique, et j’ai commencé à jouer avec eux. J’ai essayé toutes les choses habituelles, y compris « geler » le mouvement des ventilateurs et de l’eau en train de couler. J’ai aussi essayé de prendre des photos similaires à ce que Harold Edgerton avait fait des années auparavant.
Les résultats de mes photos m’ont fait réfléchir. J’avais vu de beaux motifs et certains défis esthétiques dans les photos d’Edgerton et dans celles d’autres pionniers de la chronophotographie comme Muybridge et Marey. Je me suis demandé si je pouvais utiliser ces techniques de base destinées à illustrer des études de mouvement et d’autres phénomènes naturels, pour créer des photographies de nus artistiques ? Je mettais l’accent sur l’esthétique plutôt que sur une description précise d’un phénomène.
Je me suis alors lancé dans un projet visant à combiner des motifs de mouvement intéressants avec la photographie de nu artistique plus traditionnelle. Depuis le début, l’une des caractéristiques de ce projet a été d’abandonner les préconçus et les attentes spécifiques pour voir ce qui se passait, l’évaluer et ajuster les choses au fur et à mesure que j’avançais sans vraiment savoir à quoi m’attendre.
Le projet associe l’étude du mouvement à la photographie d’art, mais aussi le développement technique à l’exploration artistique. Mes lumières stroboscopiques, ainsi que ma technologie pour déplacer la caméra, ont beaucoup changé depuis que j’ai commencé et sont constamment en cours de modification. C’est un processus très répétitif dans lequel les idées technologiques et esthétiques évoluent au vu des résultats de chaque prise de vue.
Une fois que j’ai commencé à combiner la chronophotographie et la photographie de nu artistique, j’ai pris conscience des différents problèmes et facteurs qui influencent le résultat. La question la plus fondamentale est celle de la mise en lumière dans l’obscurité. En regardant la chronophotographie historique, j’ai remarqué qu’il y avait souvent des zones surexposées où les images se chevauchaient. Je voulais essayerd’éviter ça. Bien sûr, trouver la bonne exposition est délicat parce que l’obturateur doit généralement rester ouvert pendant une longue période de temps. Pour éviter ce problème de chevauchement, j’utilise des éclairages latéraux. De plus, alors que les dispositifs traditionnels inondent une zone de lumière, je peux régler mon matériel comme de petits projecteurs et ainsi avoir plus de contrôle sur ce qui est éclairé et ce qui ne l’est pas.
Au fil des ans, j’ai amélioré la technique en créant des flux indépendants de lumières qui peuvent s’allumer à des vitesses différentes pour la même photo. J’ai testé aussi des combinaisons de flashs plus ou moins puissants et essayé de varier la fréquence de déclenchement des lumières. Comme pour beaucoup d’aspects de ce projet, je teste des idées que je garde ou que je range dans un coin de ma tête pour les réessayer plus tard.
Au fur et à mesure de ma pratique, j’ai remarqué une autre chose avec laquelle je pouvais jouer : la photographie figurative par opposition à la photographie abstraite. Certaines de mes images sont proches d’une image de nu artistique dupliquée plusieurs fois. Dans d’autres, la répétition et la géométrie ont tendance à prédominer et la perception du sujet peut ne pas être du tout évidente. J’aime jouer avec ces deux possibilités. Souvent, mes meilleures photos sont celles où la beauté des lignes et des ombres de la forme humaine est présente mais peuvent être appréciées également par leur composition géométrique.
Enfin, quelques réflexions sur les logiciels de retouche. J’explique souvent que je n’assemble pas ces images dans Photoshop, qu’elles sortent de l’appareil telles que vous les voyez, si ce n’est un ajustement pour le contraste ou un léger recadrage. Il ne s’agit pas seulement d’une question technique. Pour moi, utiliser Photoshop signifierait que j’avais en tête une image de ce que je voulais faire et que j’avais juste besoin de la reproduire. Mais mon processus actuel est bien plus fortuit. Même si j’ai amélioré la technologie pour contrôler les choses, je suis constamment surpris par les résultats et j’obtiens souvent des images que je n’aurais jamais prévues. Par exemple, quelle ombre ou partie du corps devient un motif intéressant par la répétition ou le chevauchement ? J’adore cet aspect du processus, c’est d’ailleurs ce qui m’intéresse le plus. »
Notes
- Eadweard Muybridge : photographe britannique renommé pour ses décompositions photographiques du mouvement notamment celle d’un cheval au galop qui viendra en 1878 confirmer la théorie de l’autre pionnier de la chronophotographie Etienne Jules Marey
- Etienne-Jules Marey : médecin et physiologiste français, inventeur à la fin du 19e siècle de la chronophotographie permettant l’analyse du mouvement des animaux et des humains à l’aide de la photographie.
Harold Edgerton : photographe américain spécialiste de la photographie stroboscopique, célèbre pour ses photographies de la couronne formée par la chute d’une goutte de lait et d’une balle de revolver traversant une pomme.
Le site du photographe
- Bastien Ohier
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