La Villa Tamaris à La Seyne sur mer (Var) expose jusqu’au 5 janvier 2025 un reportage, très complet et magistralement documenté, sur l’archipel des Açores photographié par Micheline Pelletier. Grâce à l’associaiton L’œil en Seyne, Il faut découvrir ce jardin au milieu de l’océan Atlantique. Exposition jusqu’au 5 janvier 2025.
« J’y ai croisé la beauté en noir, bleu et vert ; une gentillesse et une fraternité sans retenue. J’y ai été heureuse » écrit la navigatrice Isabelle Autissier dans la préface du livre « Les Açores, un jardin sur l’Atlantique » de Micheline Pelletier, journaliste et photographe. « Dans leur isolement, face à la muraille érigée par la mer, je me suis souvent demandé, par quel miracle d’héroïques pionniers avaient apprivoisé cette terre et, mieux encore, l’avaient faite fructifier ? » ajoute Micheline Pelletier qui a été « hapée » par cet archipel qui s’éparpille sur 600 km en neuf iles toutes différentes.
Quatre de ces îles sont classées au Patrimoine mondial de la Biosphère par l’UNESCO. Observatoire privilégié du bouleversement climatique, les iles sont menacées par le tourisme de masse qui s’est développé ces dernières années avec les vols low-cost. Tout cela ne pouvait que retenir l’attention de la photographe déjà intriguée par ces iles isolées au milieu de l’océan.
Entretien avec Micheline Pelletier
Le vendredi 11 octobre 2024 à la Villa Tamaris
Pourquoi les Açores ?
« Parce qu’un photographe qui a travaillé dans le monde entier, dans des secteurs parfois très durs, il y a un moment où il se tourne vers la nature, il en a besoin. Il a besoin de s’oxygéner. »
« En 2011, j’avais déjà sorti un livre sur l’île de Pâques, où j’étais allée pendant sept ans, deux fois, trois semaines par an. J’avais été fascinée par ces îles au milieu de nulle part. L’île de Pâques, c’est à 4000 km du Chili, à 4000 km de Tahiti. Et les Açores sont dans la même configuration géologique et géographique. Géologiques, parce qu’elles sont sur trois plaques tectoniques, donc toujours en train de trembler, plus ou moins. Et sur la fracture de l’Atlantique, qui est, elle : nord sud. Les Açores c’est la même situation que l’île de Pâques. Evidemment, géographiquement, les Açores sont situées à 1700 km du Portugal et à peu près à 2300 de Terre Neuve. Donc elles sont au milieu de l’Atlantique nord. »
« Et puis il y a 10 ans, et je lui rends hommage, Claude Imauven, qui est aujourd’hui président d’Oreno, ancien Areva, me montre une photo sur son téléphone portable. Et là, je vois une muraille d’hortensias, des milliers d’hortensias. Moi qui adore les hortensias, je lui : c’est où ? Et il me dit les Açores. Et puis en 2000, donc pendant l’épidémie de Covid, je propose à ma fille d’aller aux Açores. Très bonne idée. Il n’y avait personne, nous étions seules. Donc j’y suis allée trois semaines. J’ai commencé par l’île qui me tentait le plus, qui s’appelle Florès, l’île aux fleurs, la plus occidentale, la pointe de l’Europe. On est tout à fait au Finistère de l’Europe. J’arrive à Florès, et je suis tellement bluffée par un oxygène extraordinaire, des pâturages d’un vert comme nous n’en avons pas en Europe, nulle part d’ailleurs au monde. »
« Ce vert, ce bleu ! Visuellement c’est absolument splendide. Et puis quand tu es au ras de l’eau, il fait 23, 24°, et puis, tu montes progressivement… Et là, tu reçois un coup de grêle dans la figure ! En fait, quand je suis arrivée au sommet, sur les lacs de Florès qui sont verts, bleus, noirs, roses même, absolument magnifiques. Je me suis filmée… Je ne me suis jamais filmée, mais là, j’ai juste pris mon téléphone portable et j’ai dit : c’est toute la beauté du monde qui est réunie ici. J’étais dans le vent, la grêle et tout. J’ai envoyé la vidéo à mes enfants en leur disant : j’ai trouvé un lieu incroyable. J’ai appelé Cyril {Bruneau] [1] et j’ai dit à Cyril : J’ai trouvé ma nouvelle île de Pâques. Ça s’est vraiment passé comme ça. »
Et tu y as fait combien de voyages ?
« En trois ans et demi, j’y suis allé sporadiquement, selon les saisons, etc. J’ai fait une trentaine de voyage, à peu près 10 par an, parce que le temps est tellement changeant. Les gens disent toujours : vous avez les quatre saisons dans la journée. Mais c’est vrai, c’est hallucinant, c’est tempéré, il pleut beaucoup, et quand le soleil perce, c’est absolument sublime. Mais très souvent, dès qu’on monte, on est dans les nuages. Moi j’adore les brumes. Alors, j’étais à la fête. »
« Et puis, j’ai voulu rencontrer des gens sur place. Parce que ce qui m’a passionnée, c’est l’adaptation. Il y a des gens sur ces îles qui sont face à cette muraille, qu’est la mer. Ils vont devoir s’adapter aux changements climatiques. Comment font-ils pour résister à tout ça ? En surplus, il y a les mouvements volcaniques, les séismes, la terre tremble toujours. »
« En 2022. je me suis rendue avec Maria de Fatima Vivieros [2], une vulcanologue sur l’ile São Jorge [Saint Georges]. Il y avait une telle sismologie, que la moitié de la population avait été évacuée. Ils sont 8000 sur l’ile. Ils en ont évacué 4000 pendant deux mois. »
Pourquoi cette vulcanologue et pas une autre ?
« Parce qu’elle est née à Saint Georges et que pour la première fois de sa carrière, ça arrivait dans son village, dans son île. Exemple, elle rentre dans l’église et, elle voit que tous les tableaux, les crucifix, sont par terre. Un choc terrible pour elle, parce qu’elle s’est rendu compte qu’on les avait mis sur le sol pour les préserver. Elle m’a dit : J’ai eu une telle émotion à ce moment-là que ce que j’étudiais sur les ordinateurs, ce que j’ai vu au Chili, ou partout où il y a eu des séismes, où je vais régulièrement, là, c’était chez moi. C’était ma maison d’enfance. »
« J’ai essayé sur chaque île de trouver un personnage avec une histoire réussie, ou bien qui apporte quelque chose par rapport à la vulcanologie, à la pêche, aux baleines, aux vins. Je les ai fait parler. Et dans mon livre, il y a à chaque fois un interview d’un de ces personnages. »
Pourquoi cet hommage à Albert 1er de Monaco, tu lui a consacré une salle entière ?
« D’île en île, je voyais des avenues Albert 1ᵉʳ de Monaco (1848 – 1922), des boulevards Albert 1ᵉʳ de Monaco… Je connaissais évidemment un petit peu l’histoire d’Albert 1er, l’océanographe, le défenseur de Dreyfus, le créateur, au début du XXe siècle, du premier Institut pour la paix, prémices de la Société des Nations (SDN) et de l’Onu. Albert 1er a fait 13 expéditions aux Açores. Il a voulu traverser l’Atlantique depuis le Cap Vert jusqu’au pôle Nord, et ce voyage, il l’a fait, entouré de scientifiques, de peintres. On a l’impression d’un Bonaparte en Égypte. »
« En lisant, en me documentant, je me rends compte que cet Albert 1ᵉʳ est un personnage très étonnant. En fait, c’était un marin dans l’âme. Il fait son service militaire en Espagne, sous l’égide de sa grand-mère, et devient sous-lieutenant de vaisseau. Il rentre en France dans les années 1868, 1869. Il demande à Napoléon III de s’engager pour la guerre de 1870. Il est alors lieutenant de vaisseau au service de la France. Ensuite, il va entreprendre toutes ces grandes expéditions. Il commence par partir en Amérique et un beau jour, dans une plantation, il voit comment on traite les noirs. Il est tellement révulsé qu’il repart immédiatement pour l’Europe, ce qui, à l’époque, est étonnant. Donc c’est un homme d’une humanité étonnante pour un prince qui va régner. A l’époque, les princes papillonnaient plus tôt… Lui, c’est un homme extrêmement profond. »
« Lire à son propos m’a passionné et puis il a laissé aux Açores un observatoire. Il était conscient que les courants atmosphériques étaient reliés aux courants marins. On lui doit la cartographie du Gulf Stream, ce qui a permis à des milliers de navigateurs de survivre. Parce qu’en 1919, quand le commerce international reprend après la première guerre mondiale, les Allemands ont semé des mines dans l’Atlantique. Grâce aux dessins qu’il avait fait des courants, les marins parviennent à éviter ces mines. Il a sauvé des dizaines, des centaines de vies humaines. »
« Il y a beaucoup de traces d’Albert 1er aux Açores. Ça m’a passionné parce que montrer des paysages c’est bien et ils sont magnifiques. Les visiteurs vont dire : ah oui, protéger la nature… Ici, à la Villa Tamaris, il y a énormément d’enfants qui viennent tous les matins, les écoles viennent à la Villa Tamaris. Pour moi, c’est important de leur passer quelque chose. Il faut qu’ils apprennent. Ça ne suffit pas de dire : c’est beau. Il faut transmettre, c’est pourquoi il y a cette salle consacrée aux travaux d’Albert 1er. »
L’exposition qui s’étale sur les trois étages de la Villa Tamaris avec des salles dédiées à chaque ile est un merveilleux et intelligent voyage à la découverte de cet archipel dont le nom est familier aux oreilles de tous mais dont l’histoire, la géographie, la culture reste largement méconnu. L’exposition est un livre ouvert sur cette partie méconnue de l’Europe. Et le livre qui accompagne l’exposition apporte toutes les réponses à toutes les questions. Micheline Pelletier à fait non seulement une œuvre photographique, mais également, en journaliste expérimentée, une somme journalistique, une encyclopédie des Açores.
Exposition du 12 octobre 2024 au 5 janvier 2025 à la Villa Tamaris Ouverte du mercredi au dimanche de 13h30 à 18h30, sauf les jours fériés 295, avenue de la Grande Maison, 83500 La Seyne-sur-Mer
Avec le soutien de la Métropole Toulon Provence Méditerranée
Programmation artistique : L’Œil en Seyne
- Jacqueline Franjou : Présidente
- Micheline Pelletier : Présidente d’honneur
- Cyril Bruneau : Directeur artistique et Commissaire d’exposition
L’exposition est accompagnée du livre de Micheline Pelletier
Les Açores, un jardin sur l’Atlantique aux Editions du Cherche Midi,152 pages 29€
Notes
[1] Cyril Bruneau a été l’assistant de Micheline Pelletier. Ils se connaissent depuis longtemps. Cyril Bruneau est le directeur artistique de L’œil en Seyne.
[2] Maria de Fatima Vivieros est titulaire d’un doctorat depuis 2011 de l’Université des Açores en géologie et volcanologie. Dans cette université, elle a également obtenu les diplômes en biologie/géologie, par l’enseignement, et maîtrise en volcanologie et risques géologiques, respectivement, en 2001 et 2004.
Dernière révision le 1 novembre 2024 à 1:18 pm GMT+0100 par la rédaction
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