En novembre 2005 les émeutes éclatent dans les banlieues françaises suite à la mort de deux jeunes, Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois, poursuivis par des policiers lors d’un contrôle d’identité.
Je sors couvrir les réactions à chaud de ce qu’on appelait les « jeunes de banlieue ». Dès la seconde nuit de violences en Seine-Saint-Denis, je partage le Vespa de mon pote et confrère Thibaut Camus. A deux juché sur notre vieux bolide, on tourne dans les villes du « 93 », au gré des voitures incendiées, des sirènes de pompiers, des convois de gendarmerie. Mes premiers pas avec la violence à deux pas de chez moi, une zone de non-droit nocturne que je découvre.
Avec mon ami photographe on brûle sans vergogne les feux rouges lorsqu’on on suit les cortèges de fourgons de polices en intervention. Une impunité jubilatoire. On échappe de peu à un lynchage par un groupe d’ados qui détruisent à coup d’extincteur une cabine téléphonique, et qui en nous repérant, nous prennent en chasse à pied. Le moteur du scooter est poussif, le démarrage est lent, la quinzaine de jeunes se ruent sur nous et nous rattrapent presque lorsqu’enfin la Vespa prend son rythme de croisière et distance de justesse la bande furieuse.
Une nuit, à Aulnay-sous-Bois nous nous retrouvons aux côtés des gendarmes faisant face à une vingtaine de jeunes du quartier. Lacrymogènes d’un côté, pierres de l’autre. Notre casque de moto nous protège la tête. Le boitier d’appareil photo le visage. L’actualité est brûlante et devient vite nationale. Je fais la Une de plusieurs quotidiens : le Monde, le Figaro… je publie également des images dans plusieurs magazines.
La semaine suivante, alors que je suis à l’agence, je tombe sur un mail du compte de Slavie [Slavica Zullo]alors que je gérais le bureau de Wostok press : j’y apprends que l’une de mes photographie fait la couverture du Time magazine ! Je ne tiens plus en place, je sors en courant à toute allure du bureau situé dans le 17ème arrondissement et m’engouffre chez le premier marchand de journaux. Essoufflé, j’exulte totalement : la couv’ du Time dans mes mains ! Un bonheur immense m’envahit, une fierté unique. Ma photo d’un émeutier lançant une pierre s’étale sur toute la surface du magazine. Ce n’est pas la guerre du Vietnam, mais ça commence à y ressembler. (à suivre)
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Les tirages des images présentées sont en vente en Fine Art, signé, en format 20×30 cm, au tarif de 180 euros au profit de mon chauffeur et ami haïtien Wood. Pour cela contactez : fohlencorentin@gmail.com
- Corentin Fohlen
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