En novembre 2007 éclatent des émeutes à Villiers-le-Bel suite à la mort de deux jeunes renversés, alors qu’ils circulaient à moto, par une voiture de police. Dès le lendemain de la première nuit d’affrontements avec les forces de l’ordre et les jeunes du quartier, je me rends dans la cité. Dès la nuit tombante des voitures, des bâtiments publics brûlent.
Alors qu’un régiment des forces de police est positionné à un carrefour au pied des tours, un groupe d’une vingtaine de personnes s’approchent. Ils surgissent d’un terre-plein central, légèrement surélevé. On dirait des zombies sortant de la nuit. L’ambiance devient pesante, les policiers sortent leurs boucliers.
Les premières lacrymos répondent aux jets de pierres. J’utilise mon casque de scooter (j’ai acheté depuis peu un scooter afin de circuler rapidement dans Paris et enchaîner mes différents reportages) pour me protéger. Mais les forces de l’ordre ne peuvent résister à l’avancée du groupe éparpillé et qui surtout connait mieux le quartier. Une voiture de police finit aux mains des émeutiers. Une scène surréaliste se joue devant moi: la voiture est d’abord saccagée au milieu des nuages de lacrymogènes que les forces de l’ordre envoient par dizaines afin de protéger à distance la voiture. Rien n’y fait.
Un jeune homme grimpe sur le toit. Il danse littéralement sur le capot, un second le rejoint, j’enregistre toute la scène. Je sais déjà que cette image est la photo forte de la nuit. Un autre confrère, Julien Fouchet est à mes côtés à ce moment là. On est seulement deux à avoir cette scène. Pris par la situation on ne se rend pas compte que le cordon des flics a reculé loin derrière, et qu’il est entrain de se replier, nous laissant isolés au milieu de la rue. On décroche rapidement. Je n’ai pas envie de me faire chopper par les émeutiers, et encore moins de me faire prendre mon boitier et les photos qui sont dedans. On recule.
Nos scooters sont loin d’ici. Je grimpe à l’arrière d’un autre confrère et on déguerpie fissa. Cette série de photos finira dans Le Figaro Magazine. Le lendemain je reçois un appel du magazine. Il paraitrait que durant cette scène l’un des jeunes tenait à la main un révolver. Je regarde mes photos de plus prêt et découvre que sur l’une d’elles effectivement un émeutier cagoulé tient un objet que je n’avais pas remarqué au premier abord. Pas de doute il s’agit d’un flingue. Il semble s’en servir pour casser la vitre de la voiture de police. La photo en question publiée sera celle de mon pote Julien Fouchet, sa photo est plus explicite que la mienne.
Plusieurs photos de ces nuits chaudes seront publiées, notamment en une du journal Le Monde. Mais quelques jours après le retour au calme, les conférences de presse reviennent dans mon quotidien et je passe à autre chose. La vie d’un reporter de news est sans cesse balayée d’un univers à l’autre, sans lien logique, sans fil conducteur, si ce n’est que le temps médiatique ne connait pas de répit.
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