Le dessinateur québécois Guy Delisle vient de publier une bande dessinée très bien documentée où il raconte la vie mouvementée d’Eadweard Muybridge qui est surtout connu pour son invention de la zoopraxographie, décomposition photographique du mouvement.
Le jeune anglais débarque aux Etats Unis en 1855 et découvre la photographie quelques années plus tard. Il va rapidement devenir un des plus célèbres photographes de son époque. Aidé par l’homme le plus riche des États-Unis, il va réussir un exploit inédit alors : fixer sur pellicule la course d’un cheval au galop.
Eadweard Muybridge dispute la découverte de la décomposition du mouvement avec le français Etienne Jules Marey qui, à la même époque, étudie les différents modes de déplacement animaux et humain et créera en 1882 la station physiologique du Parc des Princes à Boulogne-sur-Seine, subventionnée par l’État, le ministère de la Guerre s’intéressant à ses travaux sur la « méthode de marche » de l’armée allemande, vainqueur de la guerre de 1870. Marey est l’inventeur de ce qu’il nomme la chronophotographie, technique consistant à prendre en rafale des instantanés sur une même plaque photosensible avec un appareil de prise de vues muni d’un seul objectif et d’un obturateur rotatif. Cette technique est différente de celle de Muybridge qui utilise lui plusieurs appareils, bien que les deux puissent être considérés comme les précurseur de la technique cinématographique. En 1872, Marey affirme dans son livre « La machine animale », qu’un cheval au galop regroupe ses quatre membres sous lui et non pas en extension comme les peintres le représentaient à tort dans leurs tableaux. S’ensuit une vive polémique à ce propos et l’information arrive aux oreilles d’un richissime homme d’affaire américain, Leland Stanford, futur fondateur de l’université qui porte son nom, qui a fait fortune dans les chemins de fer. Ce passionné d’équitation contacte alors Muybridge pour lui demander d’apporter le preuve par l’image photographique que cette affirmation est vraie ou fausse.
Le 18 juin 1878, devant la presse, douze chambres photographiques équipées d’un tout nouveau obturateur électrique sont disposées le long d’une piste équestre blanchie à la chaux. Le procédé photosensible choisi permet un temps de pose rapide mais doit être préparé quelques minutes seulement avant son utilisation. Chaque appareil photographique est enfermé dans un petit laboratoire où un opérateur se tient prêt à enduire de produit sensible une plaque de verre et la charger dans l’appareil. De minces fils tendus sur le parcours d’un étalon, sont heurtés par son poitrail et déclenchent les prises de vue l’une après l’autre. Après de nombreux essais et pas mal de casse, Muybridge obtient les fameux clichés qui confirment la théorie de Marey. A partir de 1881, exploitant son procédé, il se lance dans une sorte d’inventaire chronophotographique, réalisant des milliers d’images d’animaux et d’êtres humains dans diverses activités et mouvements, sans oublier des nus féminins au caractère nettement érotique.
Au delà de cet épisode important de la vie de Muybridge, Guy Delisle retrace la vie mouvementée du photographe en complétant avec des moments clés de l’histoire primitive de la photographie comme ceux des inventions de Niepce et Daguerre ou du collodion humide. On découvre également d’autres facettes moins connues du personnage : le photographe des grands espaces de l’Ouest américain et des indiens, son rôle de précurseur dans l’invention du cinéma avant les frères Lumière et Thomas Edison. Egalement qu’après avoir tué l’amant de sa femme, il ressort libre du procès qui s’ensuit, car le jury considèrera qu’il avait eu raison de tuer l’amant de sa femme…
- Eadweard Muybridge
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