Après 13 ans de guerre civile, la Syrie compte ses morts, et L’œil de l’info se souvient des siens, de ces correspondants guerre tombés, eux aussi, assassinés, blessés par le tyran de Damas.
Bien sûr, le martyr du peuple syrien est sans commune mesure avec les pertes des journalistes, mais parce que nous les connaissions, les suivions, les admirions, nous avons partagé la douleur de leurs proches, nous ne pouvons oublier Rémi Ochlik assassiné à Homs en 2011. Et tous les autres de toutes les nationnalités tandis qu’a Gaza, en Ukraine et ailleurs le massacre continu.
Emilie Blachère, la courageuse amoureuse de Rémi Ochlik a publiée sur Facebook un bel hommage qu’avec son accord nous reproduisons ci-dessous.
Ne jamais oublier. Toujours y croire.
Encore plus aujourd’hui.
The day has come
De toi, Rémi, il ne me reste que des souvenirs.
Rémi Ochlik, mon compagnon, mon amoureux était photographe de presse. Un grand photographe.
Il y a plus de 10 ans, le 22 février 2012, au cours d’un reportage à Homs, en Syrie, le centre de presse dans lequel il dormait, a été bombardé. Volontairement.
Rémi avait 28 ans. Il est mort sur le coup.
Une enquête a été ouverte en France pour meurtre. Rémi aurait été visé par l’artillerie du régime syrien de Bachar al-Assad. Assassiné car journaliste.
Dimanche 4 mars 2012, Rémi, tu étais à l’intérieur d’un cercueil en bois clair sur le tarmac de l’aéroport. Tu étais face à moi et je t’imaginais quand, pour la toute première fois, je t’avais vu en Tunisie, sur l’avenue Bourguiba pendant le printemps arabe.
Aujourd’hui encore, aujourd’hui toujours, je revois ton visage rayonnant, tes yeux doux, ton sourire d’enfant.
Un court moment au moins, j’aimerais entendre ta voix, ton rire.
Rémi, je n’ai pas pu te dire au revoir, ni t’embrasser une dernière fois.
Toujours au plus près de ceux que tu photographiais, tu avais le don d’apparaître sans que l’on te voie venir. Tu étais un photographe très talentueux. Exceptionnel, exigeant, rarement satisfait.
Tu as couru dans les rues enthousiastes de Tunis, tu t’es retrouvé avec les insurgés de la place Tahrir, au Caire, tu as arpenté les décombres sanglants de Misrata et Tripoli, jusqu’à la chute de Kadhafi.
Réservé et pudique, tu étais doux, généreux, attentionné, ton rire était plein d’allégresse. Tu étais si courageux.
Dans tes yeux, se devinaient les désirs, les humeurs, les états d’âme, les joyeux comme les sombres. Tu étais mon homme.
Dix ans… La brûlure au cœur est irréversible. Il faut apprendre à l’apprivoiser.
Si le temps rend moins émotif, il n’efface pas le deuil. Ni la détermination.
Bientôt viendra l’heure des comptes et de la justice.
Tu me manques.
Puissent ces quelques lignes, te ramener vivant quelques instants.
Une immense pensée aux proches de Marie Colvin, tuée elle-aussi dans ce funeste bombardement. Pensées à Edith, William et Paul, mes confrères et amis blessés ce jour-là. A ses parents.
Emilie Blachère
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