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1974, année charnière, j’ai quitté l’agence Fotolib, je pige à gauche, à Libé, et à droite au Quotidien de Paris de Philippe Tesson qui fut mon premier rédacteur-en-chef à Combat. Des petites choses de la vie, comme celles publiées également dans La Croix.
Il est 23 h 45. Sur la ligne numéro 9, il y a cinq hommes qui montent et puis descendent un nombre de marches qu’on ne calcule jamais quand on prend le métro.
Sur le quai de la station « Filles du Calvaire », il y a du goudron noir. Un bitume rude, bossu encore en fusion, bien que froid.
Sur le quai du métro, il y a des affiches « 6 % des hommes changent chaque jour de slip ». C’est une vieille station avec ses mosaïques blanches de pissotières d’époque. De l’époque où l’on construisait ce métro qu’aujourd’hui il faut moderniser.
A la station « Filles du Calvaire », ce vendredi soir il y a cinq hommes : des arabes qui cassent le bitume, écume noire en plaque. Il y a celui qui brise la dalle et ceux qui, sur un petit coussin de toile dégueulasse posé sur leur tête crépue transportent en silence, le sol usé vers la surface.
J’oublia il y a un sixième personage, vêtu de bleu, les jambes légèrement écartées, les mains dans les poches, il regarde. C’est le contremaître. Il est Français.
Sur le quai de la station « Filles du Calvaire », il y aura demain un ciment noir du plus bel effet. Et la station « Filles du Calvaire » sera aussi belle que sa consœur de la même ligne, la station « Liberté ».
Publié le jeudi 27 juin 1974 in Le Quotidien de Paris
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