© Lee Shulman

Réalisé par Lee Shulman, ce film est une immersion dans l’univers décalé de Martin Parr et se distingue par la richesse du propos qui interroge notre rapport au quotidien, à la consommation et à la société moderne. Cette exploration en profondeur de la personnalité et l’œuvre du photographe, est à la fois une réflexion sur la photographie comme aide à la compréhension du monde qui nous entoure et également un bien bel hommage à un exceptionnel auteur.

Martin Parr est un photographe qui a su capter, au fil des décennies, des moments de vie souvent anodins pour en révéler la complexité et l’absurdité. Le documentaire nous convie à une rencontre intimiste avec cet artiste hors du commun.

«Martin a eu une grande influence sur moi. » raconte Lee Shulman. « Il a une approche singulière. Il a créé une façon de voir les choses en photographie. C’était assez révolutionnaire à l’époque. On connaît bien ses oeuvres, mais pas assez l’homme. J’ai alors eu l’idée de faire cette espèce de road trip. Je ne voulais pas faire un documentaire chronologique, je souhaitais montrer comment je le percevais, montrer son esprit. Je l’ai donc kidnappé un été et nous avons revisité les endroits qu’il m’a fait découvrir à travers ses tirages en noir et blanc comme en couleur.»

On retrouve des images qui nous plongent immédiatement dans un univers coloré et ironique: des plages bondées, des supermarchés aux allures de théâtre et des instants de vie quotidienne transformés en tableaux breugheliens. Ces photos, empreintes d’un humour caustique et d’une acuité d’observation remarquable, illustrent la capacité de Parr à faire de l’ordinaire un sujet parfaitement digne d’intérêt. Pour autant, et c’est à mettre au crédit du réalisateur, le travail initial en noir et blanc n’est pas oublié, déjà marqué par cette capacité à saisir les moments les plus incongrus du quotidien. Tout est déjà là, ne manque plus que la couleur qui viendra ensuite et contribuera à la réputation de l’auteur. La caméra suit le photographe dans une déambulation en apparence un peu nonchalante, presque détachée, alors qu’en fait son regard scrute en permanence ce qui se passe autour de lui. On notera la surprenante facilité avec laquelle il photographie les gens de très près sans que personne ne s’en offusque. Peut-être à cause de son air débonnaire, son léger sourire et puis il est poli, il demande la permission. Comment dire non à ce grand bonhomme un peu vouté dans ses habits passe-partout. Il est là à vos côté sans qu’on l’ai vu arriver, comme présent depuis toujours dans le décor. Le film, saupoudré d’une délicieuse pincée d’humour so british, alterne quatre temps.

Une flânerie lors des fêtes à Bristol et New Brighton qui ont marqué le couronnement du roi Charles III, des témoignages de proches et de professionnels, des archives filmées de promotion de la Grande Bretagne et des photos, beaucoup de photos pour notre plus grand plaisir. Bien que le photographe soit un taiseux, on découvre peu à peu sa vision du monde, sa pratique et ses obsessions qui l’ont fait accumuler au fil du temps des quantités astronomiques d’objets tous plus kitsch les uns que les autres. Montres à l’effigie de Sadam Hussein, papier toilette Oussama Ben Laden, cartes postales de faits divers ou théières Margaret Thatcher. Son épouse avoue d’ailleurs son grand soulagement quand tous ces milliers objets qui envahissaient leur maison ont été déménagés à la Fondation Parr. S’étant rencontrés en 2019 aux Rencontres de la photographie d’Arles, le réalisateur et l’artiste se sont très vite liés d’amitié, relation qui s’accompagnera ensuite d’un premier projet commun avec le livre « Déjà View », juxtaposition entre les images du célèbre photographe et des photos d’anonymes issues de la collection The Anonymous Project. Le duo ne pouvait pas en rester là, d’où ce film qui se déguste comme un bonbon légèrement acidulé mais qui nous donne trop envie d’en reprendre une fois terminé.

Disponible jusqu’au 27/07/2025 sur la plateforme France Télévision

 

Gilles Courtinat