Sylvain Julienne chez Jack Burlot a Simiane-la-rotonde en aout 2011 – Photo Jack Burlot

Sylvain Julienne et Jack Burlot sont deux photojournalistes, parfois concurent, mais essentiellement amis pour la vie. Grâce à Jack Burlot et à Phally Julienne, nous publions en exclusivité les « bonnes feuilles » d’un récit écrit par Sylvain Julienne sept mois avant sa mort. Nous avons demandé à Jack son témoignage.

Je suis passé à Phnom Penh en début 1975, mais suis resté peu de temps avec Sylvain, l’époque des rêveries opiacées. Mon amitié avec Sylvain date du début des années 1970, nous nous sommes rencontrés sur un banc de Central Park à New York et avons vécus quelques années ensemble à Manhattan.

En 1975, l’état de l’armée Cambodgienne se résume ainsi : corruption, pénuries de munitions, bas salaires de la troupe.  Les soldats payent leur nourriture, les soins médicaux, et leurs femmes et familles sont contraintes de les suivre et de vivre la guerre pour subsister !

Avril 1975, deux mille soldats gouvernementaux tentent de de résister a l’offensive des Khmers rouge a Neak Luong, province de Preg Veng, sur la route N°1 qui mène à Phnom Penh. Sylvain Julienne vit alors dans la capitale avec son ami Sou Vitchi, stringer pour AP et correspondant de l’agence Gamma. Les informations parlent d’un moment décisif pour la ville.  Ils décident donc de s’y rendre.  Ni la route, ni le Mekong ne semblent être un bon choix ; c’est en hélicoptère qu’ils s’y rendent.

C’est à Neak Luong, que Sylvain va faire un geste qui va changer sa vie et surtout celle de Phalli, la petite fille Cambodgienne qu’il va sauver de l’enfer, puis adopter et ramener en France.

Dès son retour nous nous sommes retrouvé à Cogolin chez des amis  avec Phally, Nous parlâmes beaucoup de ce moment du Cambodge. Sylvain est reparti à Paris. Il a confié Phally a ses parents à Evreux, puis il s’est enfermé dans son appartement pour « digérer » l’horreur de ce conflit, et,  surtout, la perte de son ami Sou Vitchi, victime de la « comptabilité de l’agence Gamma, qui devait calculer le montant des piges de Sou Vitchi pour lui envoyer de l’argent ! », alors qu’il était otage à l’ambassade de France. Pour Sylvain l’amitié était une valeur sincère et profonde. Il était un être profondément sensible.

Le Cambodge marqua un tournant dans sa vie. Ce qu’il y vit – la guerre, la souffrance, l’horreur – le bouleversa à jamais. À son retour, il tenta de reprendre pied, notamment à Paris, mais l’épreuve laissa des traces profondes. Traumatisé, il finit par s’éloigner du reportage, comme on tourne la page d’un chapitre trop douloureux.

Mais Sylvain ne pouvait rester immobile. Bientôt, ce fut la Chine, et d’autres horizons, il lui fallait encore et toujours découvrir, s’émerveiller. C’était là son nouveau souffle, sa façon de continuer à vivre.

Jack Burlot avril 2025

 

Si cet article vous a intéressés...Faites un don d'1€ ou plus... !
Et pour ne rien louper, abonnez vous à 'DREDI notre lettre du vendredi