Noor veut dire « lumière » en arabe ou en persan et c’est le nom que s’est donné un collectif de photographes fondé, sous forme de coopérative, en 2007 à l’occasion du festival Visa pour l’image de Perpignan et qui rassemble aujourd’hui quatorze journalistes, pour autant d’hommes que de femmes, de différents âges et nationalités. Pour ses membres, il s’agit d’appliquer une approche journalistique pour mettre en lumière des histoires oubliées dont les médias se sont progressivement détournés et d’apporter le témoignage solide d’un photoreporter aguerri et à la pratique répondant à une véritable déontologie.
A l’occasion du quinzième anniversaire, ces chroniqueurs visuels ont fait don de soixante-neuf images issues de leurs archives et qui sont présentées dans une exposition à la Bibliothèque nationale de France.
Elections, guerres, écologie, migrations et grands événements mondiaux sont abordés avec passion et exigence et la ferme conviction que ces histoires ont un impact et peuvent inspirer l’action. Leurs auteurs reprennent à leur compte la devise de l’un des fondateurs, Stanley Greene, selon laquelle « certaines choses doivent simplement être vues », maxime pour ces auteurs qui continuent à démontrer leur intention photographique et leur engagement envers le monde qui les entoure. Si les photographes de Noor témoignent des évolutions de notre société, il ne s’agit pas simplement pour eux de voir ou de donner à voir mais d’appeler à un échange de regards avec cette humanité qui souffre, résiste, se bat et se livre face à leurs objectifs.
« Les journalistes apparaissent aujourd’hui comme des « touristes du désastre », bondissant de-ci de-là pour observer les points chauds de la planète. Telle n’a jamais été mon idée du métier : je crois que le travail du photoreporter doit se concevoir à une échelle plus vaste, revenant encore et encore sur les lieux afin de porter un témoignage dans la durée… » Stanley Greene.
Entretien avec Héloïse Conéra
Commissaire de l’exposition et conservatrice au département des estampes et de la photographie de la BnF
A quand remonte cette initiative ?
Nous avons été en discussion l’année suivant la mort de Stanley Greene en 2018, mais il y a eu ensuite la pandémie qui a compliqué les choses et c’est pour ça que je suis très heureuse qu’on puisse aujourd’hui tenir cette exposition. J’ai fait une sélection autour du thème du portrait et des regards dans l’œuvre des quatorze photographes de l’agence.
Une caractéristique de NOOR c’est la parité ?
Oui, c’est une des spécificités de l’agence. On y compte sept femmes, donc on est à une parité exacte et il se trouve que c’est quelque chose qui a été aussi constitutif dès les débuts quand deux femmes ont intégré assez vite le collectif.
Également, il s’agit de photographes du monde entier.
Oui, des photographes qui viennent majoritairement d’Europe et des Etats-Unis, mais qui travaillent dans le monde entier et qui sont actifs sur plusieurs territoires. A noter la présence de deux photographes russes, Yuri Kozyrev et Olga Kravets, cette dernière résidant en France depuis plusieurs années maintenant.
Une autre particularité, c’est que ce sont des photojournalistes qui ont des projets très engagés.
Il faut d’abord s’entendre sur l’appellation photojournalistes, c’est pour ça que j’ai mis en exergue une citation de Stanley Greene dans l’exposition. Certes, les photographes de l’agence revendiquent une photographie en prise avec l’actualité, mais surtout des sujets au long cours. C’est-à-dire que ce sont des photographes qui reviennent sur les lieux, qui nouent des relations avec les témoins, les victimes et qui élaborent aussi des sujets qui ne sont pas simplement liés à la commande de presse. Beaucoup sont leurs propres commanditaires et à l’initiative de leurs sujets, ce qui, dans l’économie de la photographie de presse, est quelque chose d’extrêmement complexe. C’est pour cela qu’ils travaillent aussi beaucoup avec des ONG, qu’ils ont des financements de la Commission européenne et qu’ils répondent à des appels à projets bien que souvent, ce soient eux qui en soient à l’origine. Une autre chose qui les identifie et qui est très important pour eux, c’est leur capacité à porter des projets collectifs avec cette idée de travailler à plusieurs sur un même sujet. Il y a eu les jumeaux au Nigéria de Bénédicte Kurzen et Sanne De Wilde, l’Arctique de Yuri Kozyrev et Kadir van Lohuizen et plusieurs productions du groupe sur l’environnement.
Gilles Courtinat
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Exposition
Ce monde qui nous regarde : 15 ans de l’agence Noor
Jusqu’au 5 juin 2022
BnF François-Mitterrand, Paris – www.bnf.fr
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