« Moi, père d’Emily, je décide devant Dieu de protéger ma fille en tant que responsable et protecteur dans le domaine de la pureté. Je serai pur dans ma propre vie en tant qu’homme, mari et père. Je serai un homme intègre et responsable lorsque je dirigerai, guiderai et prierai pour ma fille et ma famille en tant que grand prêtre dans mon foyer. Cette protection sera utilisée par Dieu pour influencer les générations à venir. »
Emily se tient auprès de son père qui vient de prononcer ces mots, elle est fière et radieuse. Précédemment dans la soirée, ils ont diné et dansé. Pour l’occasion elle a mis sa plus belle robe et son père son plus beau costume car ce n’est pas un jour ordinaire, c’est celui d’un « purity ball », un « bal de pureté » où la jeune fille va s’engager à préserver sa virginité jusqu’à son mariage et où son géniteur se porte garant de la promesse. Pas de relation sexuelle, pas de petit ami, pas même un chaste baiser jusqu’au jour où l’heureux élu sera choisi par elle et sans doute validé par son père.
Le premier événement de ce genre a eu lieu en 1998 et s’est répandu depuis dans le milieu des chrétiens conservateurs aux Etats-Unis. Bien des questionnements se cachent sous ces habits festifs : l’idée du sexe comme une impureté, le fait que les garçons soient exemptés de ce genre de cérémonie, qu’une adolescente soit habillée comme une mariée, que les hommes contrôlent la sexualité de leurs filles et que les mères soient mises à l’écart.
David Magnusson, équipé d’un appareil grand format, a photographié des pères et leurs filles ayant participé à des bals de pureté au Texas, Colorado, Arizona et en Louisiane. Il a pris ces photos sans vouloir prendre partie, à proximité de leurs maisons, dans les costumes et robes de bal qu’ils portaient lors de la cérémonie.
« Quand j’ai entendu parler de ces bals, j’imaginais des pères en colère terrifiés de ce qui pourrait arriver à leurs enfants et leurs familles. J’ai vite compris que, comme tous les parents, ils voulaient protéger ceux qu’ils aiment de la meilleure manière qu’ils connaissent, l’initiative revenant souvent à leurs filles elles-mêmes. Je voulais faire de beaux portraits, des images que les jeunes filles et leurs pères aimeraient voir accrochées sur les murs de leurs maisons, alors que quelqu’un d’une autre culture pourrait voir les mêmes portraits d’une manière totalement différente ».
Pour le photographe, ces images doivent nous interroger sur la façon dont notre éducation et notre culture influent sur nos valeurs. En soulevant des questions, plutôt que de fournir des réponses, il nous interpelle et nous laisse libre de nous faire notre propre opinion.
Gilles Courtinat
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