Michel Nouaillas, ancien chef du service photo de l’Agence France Presse est décédé le 19 janvier 2023 à Sagnat dans la Creuse ou il était né en 1928 à Gueret. Il était un des pionniers de la photographie à l’Agence France Presse ou il a passé 37 ans au total, avec une passion jamais émoussée pour le métier. « Je suis parti en raison de mon âge, autrement j’y serais encore », confie le retraité avec un œil qui frise, dans un reportage diffusé en 2018 sur France 3 Nouvelle Aquitaine
Michel Nouaillas débute en 1953, à 24 ans, comme journaliste au 2 boulevard des Italiens siège du bureau parisien de l’agence américaine United Press. Il est journaliste, mais également traducteur et secrétaire de rédaction chargé des commentaires pour la télévision alors naissante en France, un nouveau marché pour l’agence.
« J’y ai connu la fin des plaques, le début des Rolleiflex à 12 vues »
Michel Nouaillas intègre une équipe qu’Albert Fontan, son « directeur rédacteur en chef », décompte ainsi : onze journalistes à temps plein, quinze employés de presse, un nombre indéterminé de collaborateurs occasionnels. Il précise également qu’il a, à sa disposition : « six appareils de télé-photo pour les transmissions, une voiture laboratoire et une valise télé-photo portative[1] ».
Dans les années cinquante et soixante, les agences de presse sont confrontées aux difficultés de transmission des photos et à l’évolution des appareils de prise de vue. En 1958, United Press fusionne avec l’agence International News Service (INS), fondée en 1909. United Press devient United Press International (UPI).
Pendant ses huit années chez UP puis UPI, Michel Nouaillas a vécu la première grande évolution technique du marché de la photographie d’actualité de l’après-guerre.
« Mon ambition, c’était de rentrer à l’AFP. »
En septembre 1960, Nouaillas quitte UPI pour intègre l’Agence France Presse (AFP) via l’agence photo Intercontinantale.
L’agence de presse Intercontinentale est une filiale de l’AFP, son service photographique. La photo n’a pas bonne presse place de la Bourse où le texte est roi. Il y avait des oppositions à l’entrée de la photographie à l’AFP. Il faut se souvenir que les reporters photographes étaient souvent perçu plus comme des techniciens que des journalistes. Michel Nouaillas arrive dans une équipe de six photographes permanents à Paris et des pigistes dans des bureaux en province ainsi qu’à Alger. A l’Intercontinentale, Michel Nouaillas est le témoin d’une époque particulière, celle de la guerre d’Algérie durant laquelle la photographie a compté.
Une époque ou l’Intercontinentale bénéficie d’une certaine indépendance, mais manque cruellement de moyen pour les reportages comme pour les transmissions. En 2021, Michel Nouaillas se souvenait : « fallait encore aller à la grande Poste, rue du Louvre, pour envoyer des Belins car nous n’en avions que deux. [2]»
« Il y avait un staff de photographes à Paris mais très peu en Province où ils devaient être deux ou trois. À l’époque, le service se trouvait dans un ancien magasin d’alimentation. J’y ai connu la fin des plaques, le début du Rolleiflex à 12 vues, ce qui impliquait que le photographe saisisse le bon moment de l’histoire pour appuyer sur le bouton. [3]».
En janvier 1959, l’AFP réintègre l’Intercontinentale en son sein d’abord sous la direction de Gaston Launay puis quelques années plus tard sous celle de Michel Nouaillas qui va marquer l’histoire du service.
L’envol de l’AFP-PHOTO
En 1971, Michel Nouaillas est chargé de transformer le service photo de l’AFP en un service international. Il faut se souvenir qu’a l’époque, Gamma, Sipa, Sygma imposent un nouveau style de photojournalisme. L’AFP est alors principalement tournée vers la presse quotidienne régionale (PQR) et est largement marginalisée dans les magazines illustrés.
Michel Nouiallas va être l’artisan d’un service photo international, prélude à ce qu’il est devenu aujourd’hui. Il réunit une équipe de reporters talentueux et organise la diffusion internationale.
Le grand reporter de l’AFP, Jean-Claude Delmas se souvient « du jour ou Michel Nouaillas à réunit face au siège de l’AFP les reporters-photographes de Paris et des bureaux de Province en compagnie des responsables du service photo de l’époque.
« Cette photo-là, (ndlr : celle en ouverture), c’est celle d’une équipe, d’un staff de jeunes photographes de l’ombre, courageux, valeureux, de talent, dont je suis fier d’avoir été l’un des artisans. Une équipe qui a fait la noblesse de la photographie de reportage à une époque maintenant préhistorique : celle de l’argentique. » confiait Jean-Claude Delmas dans un texte adressé à L’œil de l’info.
« Une photo qui rappelle la volonté de Michel Nouaillas de créer un service photo international à l’image du texte et de pourvoir concurrencer Associated Press et United Press International. Un service photo qui deviendra international, juste après les Jeux Olypiques de Los Angeles en 1984 couvert par Robert Delvac, Gabriel Duval, Georges Brendihem, (mon ineffable et très insupportable) compagnon de chambre, dans les motels de Moscou et de Los Angeles. Quelques mois plus tard, plusieurs reporters-photographes de UPI rejoindront le service photo de l’AFP dont Louis Garcia, Don Rypka et Rikio Imajo du bureau UPI de Tokyo. »
« À noter que Michel Nouaillas, directeur du Service photo en 1975 et depuis quelques années avait travaillé à UPI Paris auparavant tout comme Jean Planterose et Robert Delvac, ses adjoints. L’école photo de UPI a réellement marqué pendant des années l’ensemble des reporters-photographes d’agences news dans le monde par la qualité et la rigueur du travail des photographes de cette agence depuis la deuxième guerre mondiale ! Tout comme Associated Press qui a formé et forme encore de grands professionnels. »
Après les Jeux Olympique de 1984, les agences qu’on appelle alors, encore « agences télégraphiques » vont être bousculées par la reconversion d’UPI dont la photo est rachetée par Reuters. L’AFP étoffe son service avec les anciens photographes d’UPI, c’est le début d’une évolution qui va conduire l’AFP à sa révolution digitale. Michel Nourias à cédé sa place pour s’occuper des relations avec les médias client.
« Il était journaliste jusqu’au bout des doigts et l’AFP était son autre maison », a témoigné son fils Olivier lui-même devenu journaliste.
Lire l’hommage de son fils, Olivier Nouaillas
Ecoutez ci-dessous Michel Nouaillas évoquer sa carrière AFP Making-Off
Lire
- Histoire de l’United Press devenu UPI
- Histoire de l’agence de presse Intercontinentale (à paraitre vendredi prochain)
Notes
[1] Formulaire d’adhésion au Syndicat du 20 octobre 1959. Source : Archives de la FFAP
- [2] Michel Nouaillas, entretien avec l’auteur février 2021.
- [3] Interview de Michel Nouaillas par Séverine Perrier Journal la Montagne 2/11/2017
Dernière révision le 18 septembre 2024 à 9:39 am GMT+0100 par la rédaction
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