Souvenirs de Michel Giniès, photographe de Sipa press
« Ah le Portugal… C’est loin maintenant. J’étais jeune, j’avais 23 ans. A Sipa, j’étais toujours partant pour faire plein de trucs. Je ne sais plus pourquoi, mais j’avais dit à Gökşin Sipahioğlu que je connaissais Lisbonne… Quand on a su qu’il y avait un coup d’état, Gökşin m’a proposé d’aller là-bas. J’ai passé une semaine à Lisbonne et ça a très bien marché. J’ai fait beaucoup de parutions. »
MP: Mais tu es parti comment ? L’aéroport avait été fermé donc tu as pris le premier avion ?
« Ah oui, maintenant que tu me dis ça, ça me revient… A Orly, devant moi, il y avait un couple qui devait partir mais, il n’y avait plus qu’une seule place. Le mari n’a pas voulu partir sans sa femme et elle n’a pas voulu partir seule. Ils m’ont dit : on vous laisse notre place. Donc, j’ai été le dernier mec à rentrer dans l’avion. »
« Je me souviens surtout de l’arrivée de Mario Soares. Il était en exil à Paris et je crois qu’il arrivé par le train. Il a été accueilli en héros. J’ai eu l’info donc je me suis greffé dessus. Et en tant que photographe français, il m’a invité chez lui. Il y avait sa famille, sa femme, ses enfants… On a bu une bouteille de très, très bon Porto. Je me souviens de ça ! »
« C’était quand même incroyable. Moi, à l’époque, je ne savais pas trop qui il était. C’est après qu’il est devenu Premier ministre. C’était vers le 26 ou le 27 avril. Et puis, le 1ᵉʳ mai, il y a eu cette grande manifestation. »
« Ce qui est sûr, c’est que je bossais, le soir. Je bossais dans la journée. Je faisais des photos des jeunes soldats avec les œillets dans les fusils, des trucs comme ça… Tous les matins, j’allais à l’aéroport en taxi avec mes pellicules de la veille. À l’époque, on appelait ça « faire un passager ». Je trouvais quelqu’un et puis j’appelais Sipa qui envoyait un coursier récupérer mon paquet à Orly. Ce qui fait que Sipa a eu des photos tous les jours. En presse, ça a très bien marché. »
« Donc, je te dis, le 1ᵉʳ mai, il y a eu cette manifestation magnifique dans les rues. Pour les photographes, il y avait une espèce de char, pas un char, un camion, ou un engin militaire. On a été transbahutés, et j’ai pris des photos de Mario Suarez en train de renifler un œillet. Cette photo m’a permis de faire la couverture de L’Express, une de mes plus belles parutions. Les autres, je ne les ai pas. Je ne les ai pas vu. »
« C’est un bon souvenir parce que tout s’est assez bien goupillé. A l’époque, là-bas, la vie ne coûtait pas cher, c’était bien. Je me suis bien démerdé. Je ne me souviens pas bien qui était là… J’ai dû voir Henri Bureau, toujours aussi peu sympa ; mais, il a fait une très bonne photo d’un type en imperméable blanc encerclé par des soldats. Mais ça, je n’étais pas là. Je ne l’ai pas vu. C’est après, en rentrant à Paris, que j’ai vu cette photo qui a obtenu un World Press Photo. Mais je n’ai pas souvenir d’avoir vu. »
« Quand j’y repense, je me dis: mais comment as-tu réussi à faire tout ça ? Parce que je ne parlais pas la langue… je ne sais pas comment j’ai fait, mais c’était fantastique cette histoire. Un très bon souvenir… »
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Dernière révision le 29 avril 2024 à 3:51 pm GMT+0100 par la rédaction
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