Vendredi 15 mars 2013, pour le lancement de la 20ème édition du Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre, la compagnie Map a joué « Jusqu’au bout », une pièce mise en scène par David Ropars sur un texte du photojournaliste Eric Bouvet. Un succès !
« Ce fameux 11 décembre 1994, quand l’Armée Rouge fonce sur Grozny, je suis à Paris devant ma télévision. En d’autres temps, j’aurais sauté dans l’avion pour faire mon travail de reporter photographe. » Malheureusement l’agence Gamma a commencé une lente agonie qui va conduire Eric Bouvet à devenir freelance, lui qui a travaillé quinze ans pour la célèbre agence.
« …/… en mai 1995, je reçois un coup de fil du magazine avec lequel je collabore. Le rédacteur en chef me demande si je souhaite faire un sujet sur l’armée russe en Tchétchénie. Je n’hésite pas une seconde et je boucle mon sac….»
C’est ainsi que le comédien Jean-Pierre Morice débute le monologue de « Jusqu’au bout », le récit d’un reportage qui va marquer Eric Bouvet pour le restant de ces jours. « Exceptionnellement, à l’époque j’ai pris des notes sur le moment. » raconte le photographe. « Ensuite j’ai écrit le texte qui est resté longtemps dans mes tiroirs. Je l’utilisais de temps en temps dans les workshops pour expliquer aux jeunes les difficultés du métier. Il y a trois ans, David Ropars m’a dit qu’il voulait le mettre en scène… »
Après Angers où la pièce a été jouée pour la première fois le 12 mars dernier, la compagnie Map l’a présentée dans la Halle aux Grains de Bayeux. C’est un monologue magnifiquement interprété par le comédien Jean-Pierre Morice avec une sobre mais ingénieuse mise en scène. Des photographies d’Eric Bouvet participent au décor sans s’imposer. Le subtil jeu de lumières de Philippe Juin et Emmanuel Fornès offre un décor dépouillé dans lequel Jean-Pierre Morice évolue en buvant force litres de vodka… Le comédien a tellement intégré son personnage qu’on le dirait auteur de ce terrible récit sur les horreurs de la guerre. Et ceux qui connaissent Eric Bouvet avait l’impression de le voir sur scène.
« Jusqu’au bout » est un saisissant témoignage. Pour reprendre une phrase mythique du journalisme français : « Ca coco, c’est du vécu ! » Eric Bouvet dans ce texte dit bien sûr toute l’horreur que lui inspirent la guerre et les nombreuses guerres dont il fut le témoin, mais il fait également part de ses interrogations de témoin.
Le récit est émaillé des questions qu’inévitablement tous les reporters de guerre se posent : « A quoi bon faire ce foutu métier ? Pourquoi prendre tant de risques ? Pour dénoncer les horreurs de ce monde ? Pour cette belle utopie qu’est le témoignage journalistique ? Pour aller toujours un peu plus loin ? Repousser mes limites, physiques et psychiques ? Ou tout simplement pour l’égo ? La vérité est peut être un mélange de tous ces faits, et c’est si dur de se l’avouer. »
Aucune violence visuelle dans ce spectacle. Rien que la rugosité des mots. Rien que la sécheresse et l’horreur du vécu. A un texte remarquablement écrit par Eric Bouvet, l’interprétation théâtrale apporte une proximité qui trouble le spectateur. Rarement le spectateur n’a été aussi proche de comprendre ce que ressentent les correspondants de guerre. Et cela fait froid dans le dos.
Il faut lire ce récit d’Eric Bouvet, publié à compte d’auteur ! Et il faut espérer que cette pièce soit rejouée ici, ou là, où il y a des spectateurs pour les expositions photojournalistiques. Les festivals ne manquent pas pour servir de cadre… « Jusqu’au bout » donne une raison de plus de remercier les photojournalistes pour leur courage et leur travail.
Michel Puech
Le livre « Jusqu’au bout » est disponible directement auprès d’Eric Bouvet (9 euros + 2 euros de port pour la France et 4 euros pour le reste du monde).
Notre page Eric Bouvet
Site officiel d’Eric Bouvet: http://www.ericbouvet.com
Site officiel de la compagnie MAP :
Dernière révision le 26 mars 2024 à 4:54 pm GMT+0100 par
- Marius Bar
Les chantiers navals de « La Mecque » - 20 décembre 2024 - PSnewZ
De la liquidation de Panoramic,
à la création d’une nouvelle agence photo - 13 décembre 2024 - Affaire Bernard Faucon
La fin de l’omerta dans le milieu de la photo ? - 6 décembre 2024