Hommage

Yan Morvan (1954 – 2024)
« Photojournaliste des marginaux»
par Marc Simon

Un homme porte à bout de bras un bébé mort sorti des décombres après un attentat à la voiture piégée dans le quartier chiite de Burj-el-Barajneh, Beyrouth-Ouest, décembre 1983 © Yan Morvan

Quand j’étais reporter photographe, il m’est arrivé de le rencontrer, certes peu de fois, au Liban dans les années 80 et ensuite bien plus tard quand je fus chef du service photo de VSD.

Mais Yan, c’était comme si je l’avais toujours connu tant son parcours me fascinait. Au Liban, là où je ne faisais que de brefs séjours au rythme des soubresauts de l’actualité, il y séjourne près de quatre ans et, nous laisse des images éblouissantes. Bien sûr, celle du soldat français tenant la main de son camarade dans les ruines de l’immeuble Drakkar après l’attentat de 1983, mais aussi celle de cet homme extirpant au bout de son bras le corps d’un enfant inerte du milieu des gravats encore brulant d’un bâtiment après un bombardement… Celle là, je l’ai toujours en tête !

Les guerres, il en couvrira d’autres, sans se prévaloir du titre de « reporter de guerre ». Les guerres étaient à la marge d’un univers encore plus marginal où il aimait s’immerger, comme il le confiera à Gilles Courtinat pour la revue Like (ndlr : lire ici)  Il voulait « être le lord Snowdon des miséreux, des déclassés et des laissés pour compte », méritant le titre de « photojournaliste des marginaux ».

Et oh combien flamboyant : tant dans la force de ses photos, que ce qu’elles racontent de ces gens de peu : bikers, Hells Angels, skinheads, prostitués, bandes de banlieue… Il fait jaillir la tendresse dans le regard de ces « préjugés » au ban de la société. Peut-être le reflet de lui-même, regard d’acier au cœur tendre.

C’est ce Yan immuable que je retrouvais, dans mon bureau de chef du service photo de VSD au début des années 2000, pour m’immerger dans ses univers aussi fascinants que ceux du Beyrouth des années 80.

Partager un instant le besoin de vivre l’Histoire, comme il a fait revivre celle de nos aïeux sur leurs « Champs de batailles ». Vivre l’Histoire dans tous ses recoins les plus incongrus et impénétrables… Avec lui je m’évadais d’un bureau bien étroit pour revivre ces instants de jouissance du photojournaliste : y être et raconter.

Il a tant été sur tant de coups et tant raconté. Aujourd’hui il est dans cet autre univers qu’on ne connait pas et que, pour une fois, il ne pourra pas nous raconter.

 


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