Reportage

Yan Morvan (1954 – 2024)
Beyrouth, peu après l’attentat du Drakkar

Yan Morvan devant Beyrouth

Alors que Beyrouth s’embrase à nouveau, il y a quarante-ans, cette guerre fut un moment clé dans l’histoire de Yan Morvan. Jean-Louis Vinet qui a couvert ce conflit pour France Inter, raconte ici son arrivée au Liban. Ambiance.

Je décolle de Paris pour Larnaca, à Chypre. Je croise des beyrouthins qui fuient la guerre. Je suis à contre-courant. Navigation lente, de nuit, puis la ville apparait. Une ville défaite, meurtrie, aux immeubles troués comme des passoires. Le port.

Je suis guidé vers l’hôtel Cavalier au Sud. Hôtel bien placé. Dans les rues avoisinantes, des tables de pique-nique servent à faire le change : dollar, livre libanaise. Puis des véhicules à plateau munis de RPG roulent à vive allure.

On le sent. La ville est hors d’elle. Je veux aller au Nord. On me guide. Passage du Musée. Pas loin du Drakkar où 10 jours avant, un attentat tuait 58 parachutistes Français.

Passage du Musée. Une longue rue terreuse, au mitant, des sacs de sable et derrière des soldats français. Sur la gauche, la place des canons aux immeubles défaits, vides. Quoique… Il se dit que des snipers s’y meuvent.

On me dit. Je fais.

Je m’élance vers les Français. Ils m’appellent. Je cours et me cache derrière leurs sacs. Ils regardent alentours, me donne le top départ et je cours encore deux cents mètres vers le nord, Beyrouth chrétien. La situation est telle que je prends une autre chambre à l’hôtel Alexandre.

Yan Morvan était peut-être encore là. Son nom allait de tables en tables au moment des repas. Plus tard, bien plus tard, quand je l’interviewe pour L’oeil de l’Info, il me raconte que dans ce désordre et cette crainte de chacun, il plantait sont trépied et sa chambre noiresur la ligne front pour la photographier.

Beyrouth était exsangue et s’enlisait dans une guerre lente et sourde.Je rentrais à Paris.

Puis deux mois plus tard retour dans cette ville coupée en deux, où le long de la mer, des ados Kalachnikov à la main, nous arrêtaient pour voir nos passeports qu’ils lisaient à l’envers. On était inquiets.

 

Jean-Louis Vinet


Si cet article vous a intéressés...Faites un don !
Et pour ne rien louper, abonnez vous à notre lettre du vendredi