Des Syriens fuient leur pays en guerre et, faute de visas accordés, arrivent en clandestin sur le continent européen, en Grèce.
Île de Kos.

A l’occasion de la 32ème édition du Festival International du Grand Reportage d’Actualité (FIGRA), le photojournaliste Olivier Jobard de l’agence MYOP expose 60 photographies jusqu’au 14 avril 2025 au Musée de la Chartreuse à Douai. Alain Mingam, membre de L’œil de l’info et commissaire de l’exposition, la commente.

La question de la légitimité avec laquelle un photographe va se passionner pour une cause se pose mais, Olivier Jobard a toujours su conjuguer excellence et engagement. Photojournaliste mondialement reconnu, il n’a jamais renoncé à aller jusqu’au bout des exodes partagés avec tous les migrants venus d’Afrique ou d’Afghanistan.

Dès mars 2000, son premier séjour «la jungle »de Sangatte sur les rives de la forteresse Europe, emmurée dans le reniement de ses valeurs d’accueil, s’est à jamais ancré dans sa mémoire d’authentique citoyen et arpenteur du monde.

Il y a rencontré́ des Afghans, des Tchétchènes, des Irakiens, des Bosniaques, des Kosovars, des Somaliens, des Syriens exilés pour avoir fui les horreurs de la guerre dans tous ces pays dont « l’actualité́ des conflits a nourri 10 ans de ma vie » confie-t-il dans KOTCHOK[1] le remarquable ouvrage qui raconte plus de 10 000 kms et des mois sur la route des expatriés de la misère.

Il n’est pas un épisode de ces parcours de désespoirs et espoirs mêlés, que n’ait pas suivi Olivier Jobard avec des « migrants » en quête d’une terre de refuge. Tous les noms des villes contournées, des frontières traversées souvent dans la clandestinité́ la plus totale, la plus risquées parfois, sont les balises de ce chenal de la survie vers Sangatte, Lampedusa ou les îles de Kos, de Lesbos en Grèce ou Bodrum en Turquie.

Olivier Jobard et Claire Billet, son épouse et réalisatrice de remarquables documentaires primés au FIGRA, revendiquent cette proximité́ sans concession aucune, avec tous les réfugiés candidats à « L’exil, exit », selon leurs propres termes.

Ces professionnels de l’image, qui sont l’honneur du métier, ont toujours eu pour préoccupation première d’incarner au plus près possible, ces histoires d’hommes et de femmes, pères et mères, frères de l’audace, qui n’ayant plus rien à perdre, embarquent leurs enfants sur ces arches de Noé́ – soumises au vent mauvais des infortunes de mer – autant qu’à la violence cupide de passeurs ou profiteurs sans pitié́.

Pour mieux nous faire partager l’angoisse du grand départ, Olivier a même embarqué à Zarzis en Tunisie à bord de ces véritables radeaux de la Méduse, épaves de la détresse aux côtés de Slah, un père de famille de 50 ans. Il a accompagné́ ensuite avec Claire, de Kaboul à Paris, 5 jeunes Afghans, dont Rohani ,qui croit au mirage d’une «  pluie quotidienne de parfum sur Paris ». Cruelle déception parmi tant d’autres vécues par Ghorban aussi, qui a vécu 13 ans, sous les tentes du pont du Canal St Martin. Olivier Jobard demeure toujours fidèle au souci d’échapper à tout cliché dans la caricature.

La charge émotionnelle de la mort tragique du petit Aylan Kurdi telle notre « humanité échouée » sur une plage de Bodrum, le 3 septembre 2015 est retombée.  Cependant il n’est de cesse d’être rejoint dans la mort par ses camarades, frères et sœurs victimes de cette onde de choc de l’exil, tel un mascaret assassin qui dépose sur les côtes italiennes, grecques, turques les dépouilles de ces enfants martyrs de toutes les survies de l’impossible.

Tous les reportages d’Olivier Jobard, au creux de ces flots de réfugiés vers l’Europe, sont là sur les murs très accueillants du Musée de la Chartreuse, devenu un mois durant musée de la Solidarité, pour nous maintenir en état de vigilance. Pour que tous ces « marcheurs de l’ombre » demeurent dans la lumière de notre humanité́ alertée, solidaire, désormais soumise en permanence à la cruelle épreuve des tragiques événements qui sévissent de Kiev à Moscou, à Gaza, au Burkina Faso, ou au Soudan sans oublier le talibanesque Afghanistan. La liste serait trop longue.

  • Musée de la Chartreuse 130 rue des Chartreux – 59500 DOUAI Tél : 03 27 71 38 80
  • Horaires : Du mercredi au lundi de 10h à 12h et de 14h à 18h (fermé le mardi)

Le site d’Olivier Jobard

[1] KOTCHOK Sur la route avec les migrants d’Olivier Jobard et Claire Billet Editions Robert Laffont ISBN 2-221-18771-7

 

Alain Mingam
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