A coté de l’exposition Gilles Caron, conflit intérieur, le Musée de la photographie de Charleroi a fait dans ses riches collections une sélection de photographies de conflits ou l’on retrouve quelques un des plus grands noms du photojournalisme.
Samedi 25 janvier 2014, Xavier Canone, directeur est fier de montrer à la famille de Gilles Caron les collections de son Musée. Des collections organisées pédagogiquement par ordre chronologique dans la partie ancienne et thématique dans le batiment moderne.
A coté des photographies, dans des vitrines, on peut voir quelques exemplaires des 3000 appareils photo que possède le musée. A coté des chambres en bois vernis, on peut admirer des clichés de la guerre de Crimée. A coté des Gaumont, des photos de presse des années vingt ; et non loin du premier Leica, Koudelka !
Cette petite – par le nombre – exposition se présente un confraternel accompagnement de celle Gilles Caron. Une bonne idée. Dommage que l’absence de moyen financier ne permette pas à Xavier Canone d’acquérir quelques autres « plaques » des « Révolutions arabes », des guerres africaines ou de la révolte de Kiew… Si la photographie fige l’Histoire, l’absence de crédit de crédit momifie la mémoire.
MP
Qu’est-ce qu’une image ? par Stéphanie Bliard
Est-ce celle illustrant la notion de mimésis qu’évoque Roland Barthes ? Ou serait-ce plutôt une image choc comme celles diffusées au journal télévisé ? Une image est autant de mots qu’elle évoque de moments de joie, de nostalgie, ou de tristesse. En réalité elle est propre à chacun.
«Il en va de la mémoire d’un individu comme de celle d’une société, elle peut être tour à tour fluide, rigoureuse, poétique, intraitable. Elle est toujours indispensable car une civilisation sans passé sera perpétuellement en manque d’avenir.»
Ces propos d’Alain Desvergnes, fondateur de l’école nationale de photographie d’Arles et ancien directeur des Rencontres d’Arles, posent les jalons de la démarche du photojournalisme. Ces photographes qui parcourent le monde, qui enregistrent les faits d’actualité font en effet, par leur collecte d’images, partie des gardiens de notre mémoire.
Parallèlement à l’exposition consacrée à Gilles Caron présentée dans les chapelles du Musée, le service des collections a opéré une sélection dans ses fonds en vue d’inscrire la pratique de Caron au sein du photojournalisme de son époque.
Une collection photographique se construit en effet sur différents thèmes et réflexions par le biais d’achats, de dons mais aussi au fil des rencontres avec les différents photographes. Le documentaire social et le photojournalisme sont cruciaux pour comprendre l’histoire mais également l’histoire de la photographie. La collection du Musée en témoigne notamment en présentant plus de 150 ans d’histoire du reportage, depuis les images de la guerre de Crimée jusqu’aux actualités récentes, en passant par la Commune de Paris, les deux guerres mondiales, le Vietnam, le génocide du Rwanda et même les conflits sociaux.
La sélection d’une vingtaine d’images de Jours de guerres a été opérée au départ de lieux des reportages effectués par Gilles Caron – on pense à Mai 68, à la guerre des Six Jours, à celle du Vietnam, au Printemps de Prague – mais a également débordé sur les années de pratique de Caron et les événements qu’il n’a pas couverts puisque mobilisé sur d’autres conflits, telle la prise de Stanleyville.
Chaque journaliste y développe son propre langage visuel mais la construction des images est le plus souvent simple et directe. L’urgence et le danger laissent rarement aux photographes le temps de choisir leur angle. Par contre, il leur importe d’aller à l’essentiel et de toucher le public futur par l’émotion.
Dans les photographies de Claude Dityvon, on ressent la foule qui hurle, la tension, le combat entre les étudiants et la police, on perçoit les fumigènes qui voilent la scène. On se retrouve littéralement en plein cœur des manifestations. Chez Philip Jones Griffiths, comme chez Dick Durrance d’ailleurs, c’est le quotidien des vies touchées par la guerre qui est montré, comme cet enfant pleurant sa sœur ou cette famille qui fuit, une scène similaire à une autre que l’on retrouve chez Leonard Freed.
Dans la jeune fille à la fleur de Marc Riboud, l’on perçoit le travail de sélection réalisé à partir de la planche contact pour sélectionner l’image la plus forte.
D’autres photographes s’intéressent «à l’après», comme Craig Barber, ancien G.I., venu photographier des années plus tard les villages abandonnés suite à la guerre au Vietnam ; ou encore Bruce West qui montre un enfant apparemment sans histoire en Irlande, pays constamment en conflit.
La notion «d’instant décisif» peut également prendre sens dans la pratique du photojournalisme, comme dans la photographie de Josef Koudelka d’un homme regardant l’heure devant un boulevard désert. La manifestation prévue n’aura pas lieu mais le conflit est déclaré.
Le photojournalisme ne se résume pas à montrer des images ensanglantées mais plutôt à les contextualiser. Ce qu’il tente de faire, c’est de garder la trace de notre passé pour nous permettre de construire notre avenir.
Stéphanie Bliard, collaboratrice scientifique au Musée de la Photographie
Texte paru dans le Photographie ouverte 165
Auteurs présentés dans l’exposition Jours de guerres
Dick Durrance (USA), Craig Barber (USA), Frans Pans (Belgique), Claude Sauvageot (Paris), Bruce West (USA), Dominique Berrety (Indonésie), Bruno Barbey (Maroc), Josef Koudelka (République tchèque), Vincent Verhaeren (Belgique), Michael Von Graffenried (Suisse), Marc Riboud (France), Leonard Freed (USA), Philip Jones Griffiths (Grande-Bretagne), Claude Dityvon (France)
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Dernière révision le 26 mars 2024 à 5:04 pm GMT+0100 par Michel Puech
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